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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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s’efforçant de cacher sa mélancolie, de ne pas gâcher leur dernière tournée et leur bonheur en songeant à l’avenir.
    Ils devaient rejoindre la garnison d’Amurzet, sur la frontière, l’une des plus éloignées au sud-ouest de Birobidjan. Mais Apron bifurqua et s’engagea sur une piste cahotant dans la taïga marécageuse qui bordait la Bidjan, un affluent de l’Amour. Une région infestée de moustiques qu’ils avaient rapidement traversée durant l’été. Avec la fraîcheur annonciatrice de l’hiver, les moustiques avaient presque disparu.
    Bientôt, en retrait de la route boueuse, Marina devina une légère élévation où l’on avait construit une longue isba basse. Son toit de tôle était rouillé mais ses murs de rondins étaient peints d’un bleu éclatant. Contrairement à l’habitude, elle n’était pas entourée de granges, de potagers et de poulaillers. Seules des charrettes attelées à des mules étaient parquées sur le côté.
    Le bruit de la ZIS les annonçait de loin. Quelques personnes les attendaient devant l’isba. Les hommes portaient des manteaux noirs, des chapeaux à larges bords. Leurs visages disparaissaient sous les barbes. Têtes et bustes enveloppés de châles colorés, vêtues des robes bouffantes à jupons qu’on ne sortait qu’aux grandes occasions, les femmes formaient un groupe à part.
    â€” C’est pour nous qu’ils se sont habillés comme ça ? s’étonna Marina.
    Michael opina. La camionnette s’approcha de l’isba au ralenti. Une pluie fine commençait à tomber. Dès que laZIS s’immobilisa, les hommes entourèrent Apron. Marina se retrouva entre les mains des femmes qui lui souhaitaient la bienvenue. Aimablement mais avec gravité, sans rien de la gaieté des accueils auxquels elle était accoutumée.
    Les hommes entraînèrent Apron à l’intérieur de l’isba. Marina s’inquiéta :
    â€” Que se passe-t-il ? Quelqu’un est malade ?
    Les femmes la dévisagèrent, interloquées.
    â€” Tu ne sais pas où tu es ?
    â€” Non. Le docteur ne m’a pas dit.
    Quelques rires timides résonnèrent. Une petite femme ronde insista :
    â€” Tu ne sais vraiment rien de rien ?
    â€” Qu’est-ce que je devrais savoir ?
    Des femmes gloussèrent derrière leurs mains.
    â€” Que tu vas te marier.
    â€” Me marier ?
    â€” Ce n’est pas pour ça que tu es venue devant notre synagogue ?
    Il y eut beaucoup de joie. Ravies, moqueuses, les femmes refusaient de croire qu’Apron avait conduit Marina à la synagogue pour l’épouser sans même la prévenir. Elles la taquinèrent gentiment :
    â€” Réfléchis bien. Tu peux encore filer. Si tu n’entres pas dans la synagogue, si tu restes ici, dans le marais, demain tu seras encore une femme à marier.
    Finalement, un homme ressortit de l’isba. C’était le rabbin. Il expliqua que la cérémonie ne serait pas pleinement ce qu’elle devrait être. Bien des rituels ne pourraient être accomplis.
    â€” Pas de bain rituel, de mikvé , pas d’étude de la Niddah , et bien sûr vous n’avez ni l’un ni l’autre de kétouba , de contrat de mariage. Mais ce n’est pas grave. Ici, dans ce pays, l’Éternel, béni soit Son nom, en a vu d’autres. Ce qui compte, c’est ce que vous avez apporté dans vos cœurs.
    Il expliqua que le jour du mariage était aussi un jour de repentir pour les fautes passées. Marina et son époux devantDieu allaient entrer dans une vie nouvelle, une âme nouvelle, née de leur union, et qui serait sans souvenir du passé si l’Éternel leur accordait le pardon. C’est à cela que Marina Andreïeva devait penser, même si elle ne connaissait pas la prière de Kippour.
    Tout alla très vite. Les femmes escortèrent Marina dans l’isba. L’intérieur était un espace modeste, meublé de simples bancs, d’une sorte de bibliothèque à une extrémité et, à l’opposé, d’un autel supportant un candélabre à sept branches et un cylindre de bois blond contenant le rouleau de la Torah. Au centre, quatre piliers soutenaient un

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