L’Inconnue de Birobidjan
croire quâon ne lâapprendrait pas ? McCarthy et Nixon étaient furieux. Jâavais déjà eu du mal à leur faire accepter votre présence aux audiencesâ¦
â Ils lâont acceptée uniquement parce quâils savaient dâavance quâils me feraient un coup fourré de ce genre, Sénateur. Et vous le saviez aussi. Ãa vous arrangeait tous. Moi, je voulais voir Miss Gousseïev en dehors de vos audiences bidons. Savoir si elle disait la vérité ou si elle nâétait quâune excellente actrice. Vous connaissez la réponse aussi bien que moi.
Le tapotement sur le volant sâaccéléra. Jâen rajoutai :
â McCarthy et Nixon font comme dâhabitude : ils brassent du vent. Ce sont des escrocs sans foi ni loi. Un de ces jours, ils tomberont en poussière comme des noix vides. Et avec tout le respect que je vous dois, Sénateur, vous les suivrez, si vous êtes encore avec euxâ¦
â KÅnigsman !
â Jâai une information pour vous, monsieur. Il se peut que Wechsler nâait pas le courage de publier cette histoire dans le New York Post . Ãa nâa pas dâimportance. Je vais en faire un livre. Ni vous ni vos amis de la Commission ne pourront mâempêcher de le publier.
Jâen avais fini avec ma cigarette. Je jetai le mégot par la portière. Sa braise explosa en petites étincelles. En voyant les points rouges sâéteindre, je pensai aux bombes qui allaient bientôt labourer la Corée.
Wood cessa brusquement de tapoter son volant.
â Je hais les comies autant que McCarthy et que Nixon, KÅnigsman. Ne vous faites pas dâillusion là -dessus. Et je suis aussi respectueux des lois de mon pays que doit lâêtre un sénateur des Ãtats-Unis.
â Parfait⦠Quâest-ce que je fabrique ici ?
â Je⦠je pense que vous avez raison. Au sujet de cette femme⦠Je crois aussi quâelle raconte la vérité.
â Vous le croyez ou vous en avez la preuve ?
Les joues rondes de Wood se creusèrent. Ses doigts recommencèrent à danser sur le volant. Je nâétais plus en état dâêtre patient.
â OK. Je vais vous dire ce quâil en est, Sénateur. Apron nâétait pas le seul agent de lâOSS dans cette mission du Birobidjan. Il y en avait un autre. Un type qui sait ce quâil sâest passé. Qui en a informé ses chefs à Langley. LâOSS possède un rapport sur la mort dâApron. On y lit noir sur blanc que Marina Andreïeva Gousseïev nâest pas une espionne et quâelle nâa pas tué Apron. Ce quâelle dit est vrai. Entre elle et Apron, il nây avait quâune histoire dâamour. Rien de plus. Et ce rapport, câest celui que vous a remis OâNeal, lâagent de la CIA.
Jây étais allé au bluff. De la pure imagination. Ou déduction. Mais à présent, jâétais plus que certain dâavoir raison.
Wood me dévisagea, effaré.
â Comment le savez-vous ?
â Je le sais. Et je sais que McCarthy et Nixon font tout ce quâils peuvent pour que ce rapport disparaisse.
â Câest leur idée, pas la mienne.
â Ils ne lâont pas détruit, au moins ?
En silence Wood tira un étui à cigares de sa poche. Il serra le Panatella à cape verte entre ses lèvres et gratta une allumette. Câétait lui, maintenant, dont les doigts tremblaient.
â Sénateur Wood, cette femme est innocente, vous le savez, et elle va griller sur la chaise électrique parce queNixon et McCarthy sont capables de tout pour faire régner la terreur dans ce pays.
â Ãa suffit, KÅnigsman !
Wood gronda, mais nâalla pas plus loin. Son visage était gris. Il avait du mal à respirer.
â Câest la guerre avec les Soviétiques, KÅnigsman, reprit-il à voix basse. Dans une heure, les Ãtats-Unis se réveilleront en apprenant ça. Des milliers de GI vont mourir au combat contre les communistes. Ce nâest plus la peine deâ¦
Je terminai sa phrase à sa place :
â ... de détruire la vie de milliers de braves gens pour servir lâagenda politique de deux fous furieux. McCarthy et Nixon vous font peur, nâest-ce pas ? Vous avez soutenu des monstres, et maintenant ils
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