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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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de 1947. Cette fois, les initiales signifiaient Town & Country . C’était son genre d’humour.
    Â 
    Il faisait presque nuit quand je regagnai ma propre voiture. Les fédéraux étaient toujours là. Peut-être les mêmes. Je ne pus distinguer leurs visages dans l’ombre. Un métier décidément peu enviable.
    Je pris la direction du bureau du Post . Ils suivirent docilement. Les fiches signalant les appels de Sam étaient posées bien en évidence sur ma table. Quatre pour la fin d’après-midi. Pas une surprise. Et je savais d’avance ce qu’on allait se dire. J’éteignis la lumière et ressortis sans décrocher le téléphone.
    J’avais toute une soirée vide devant moi et ne savais pas comment la remplir. La présence de Shirley me manquait. Le souvenir de sa peau de presque rousse sous le kimono de soie à têtes de pivoine m’obséda un moment. Et ce sourire qu’elle pouvait avoir, qui gonflait ses pommettes et lui donnait l’air se moquer de l’enfer.
    Puis le regard bleu océan de Marina Andreïeva Gousseïev revint danser par-dessus ce rêve éveillé. Elle aussi avait une peau qui vous incendiait la paume sans même l’approcher.
    Il me fallait un verre pour passer à d’autres songeries. Je laissai ma voiture devant le bureau, allai traîner sur Florida Avenue, entrai dans un bar. Les commentaires d’un match de boxe braillaient à la radio. Je ressortis. Les cinémas de Jefferson Hall n’étaient pas loin. Les titres en néon en jetaient plein l’obscurité : La Fille du désert , Les Amants de la nuit . Rien de bon pour moi.
    Quand je me surpris dans le reflet d’une vitrine à contempler des mannequins en maillot de bain, je compris qu’il était temps de rentrer à la maison.
    Mes poissons suiveurs ne me lâchaient pas. Ils m’accompagnèrent à travers la ville. Je les vis se garer à l’angle de mon immeuble. Pour un peu, j’aurais eu pitié d’eux autant que de moi.
    Â 
    Le téléphone sonna pendant que je contemplais le vide sidéral de mon réfrigérateur. C’était Sam, comme prévu. Etcomme prévu les choses se passèrent mal. Wechsler était hors de lui. Wood n’avait pas tenu sa parole et je n’avais pas écrit une ligne de ma défunte exclusivité. Sans doute une bonne chose pour le journal, puisque j’avais eu autant de flair qu’un putois. Il ne me restait plus qu’à envoyer de la copie sans faire le malin. Avec des faits connus, et rien d’autre. Plus question de jouer les chevaliers blancs face à McCarthy et consort. « Ma Russe » s’enfonçait toute seule, et je n’avais pas le début d’un commencement de preuve qu’elle ne soit ni une espionne ni une meurtrière. À part mon désir de faire le mariole.
    De fil en aiguille, le ton monta. Je finis par gueuler :
    â€” Sam, si le New York Post doit devenir une annexe de Red Channel , ce sera sans moi ! J’écris encore avec de l’encre, pas avec du purin.
    Ce qui nous secoua tous les deux et nous réduisit au silence pour au moins cinq secondes. Je m’attendis à ce que Sam m’annonce qu’il se passait de mes services. La lame ne tomba pas loin.
    â€” Demain, tu choisis, Al. Ton boulot ou tes foutaises. Souviens-toi : New York ne manque pas de bons journalistes qui savent encore rester lucides en face d’une femme.
    Je fis de mon mieux pour demeurer courtois.
    â€” Au moins une chose, Sam : as-tu fait tourner le nom d’Apron dans Brooklyn et le Lower East Side ?
    J’eus droit à un ricanement.
    â€” Il y a vingt-sept familles Apron recensées à Brooklyn et dans le Lower East Side. Trois médecins portent ce nom. Le plus jeune est interne au Carolina Hospital de Manhattan. Les deux autres ont plus de cinquante ans, exercent en pères de famille. Ils n’ont jamais abandonné leurs cabinets. Et l’U.S. Medical Board Licensing Association n’a enregistré aucun Michael Apron à New York ou dans le New Jersey entre 1935 et 1942. Tu joues avec des fantômes, Al. Bonne nuit.
    Après avoir raccroché, je fis semblant d’hésiter entre une mise au propre de mes notes et une bouteille d’Heaven Hilldégustée avec lenteur sur le canapé. Une

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