L’Inconnue de Birobidjan
vous entraînent en enfer avec eux.
Il nâacquiesça pas, mais ce fut tout comme. Je poursuivis :
â Quâest-ce que vous proposer, Sénateur ?
â Publiez votre bouquin, vos articles⦠ce que vous voulez. Traitez-moi correctement, et je vous donne la preuve dont vous avez besoin pour innocenter cette femme.
â Le rapport ?
Il hocha la tête.
â Nixon et McCarthy vous tomberont dessus.
â Câest mon affaire.
â Comment est-ce que je récupère ce rapport ?
â Vous verrez.
â Quand ?
â Vous verrez.
â Sénateurâ¦
â Ãa suffit, KÅnigsman. Je tiendrai parole. Vous pouvez sortir de la voiture.
Il tourna la clef de contact et tira sur le démarreur. Le V8 de la Packard se réveilla doucement. Jâouvris la portière. On ne se serra pas la main.
Je regardai la voiture sâéloigner vers le Potomac. Une lumière dâincendie sâétalait doucement dâun bout à lâautrede lâhorizon, dessinant lâenchevêtrement des portiques sur les quais. Je ne pus retenir un fou rire nerveux. Nom de Dieu, je ne mâétais pas trompé. Jâavais gagné !
Â
à mon retour chez moi, mon envie était grande dâappeler Sam à New York. De le réveiller, de lui raconter ma conversation avec Wood. Je décidai de mâen abstenir.
Mieux valait ne pas vendre la peau de lâours⦠Wood mâavait donné sa parole de me faire parvenir le rapport de lâOSS. Mais ça sâarrêtait là . Les clairons de la gloire pouvaient attendre. Dâautant quâà cette heure Sam et Wechsler sâagitaient sûrement comme des fous pour sortir avant midi un numéro annonçant la guerre en Corée.
Quand même, je voulais partager ma petite victoire. T. C. apprécierait ma conversation avec le sénateur. Je décrochai le combiné. Jâallais tourner le cadran quand soudain je me revis demander à Wood si les oreilles du FBI étaient branchées sur mon téléphone. « Câest pour ça que vous vous êtes servi de Shirley ? »
Bien sûr quâelles lâétaient. Bien sûr !
Je reposai le combiné.
Nom de Dieu ! Il était temps que je me réveille pour de bon. Pendant une fraction de seconde, je fus pris de vertige, comme si mon pied venait de déraper au bord dâun gouffre. Le FBI apprenant de ma bouche que J. S. Wood, sénateur des Ãtats-Unis, détournait un document top secret à mon profit !
Je mâoffris une seconde douche, pris le temps de me raser, préparai à nouveau du café. Mon bol en main, je jetai machinalement un coup dâÅil dans la rue. LâOldsmobile bleu nuit des fédéraux avait retrouvé sa place.
Ils allaient devoir être patients. Je mâinstallai devant ma machine à écrire et commençai à mettre mes notes au propre. à présent, je savais vers où se dirigeait mon bouquin.
Jâétais en train de rédiger le passage où Marina racontait le siège de Moscou quand le timbre de la porte me fit sursauter. Je jetai un regard à ma montre. Midi passé de quelques minutes. On sonna encore. Deux fois, nerveusement.
Jâouvris prudemment, prêt à découvrir le messager envoyé par Wood.
â T. C. !
Il me repoussa.
â Offrez-moi à boire.
Il portait un costume de lin blanc, une cravate mauve semée dâun damier bleu et un chapeau de paille beige. Le lin de son costume était aussi froissé que son visage.
Je ne posai pas de question. Il ne me restait plus beaucoup dâHeaven Hill. T. C. vida son verre dâun trait avant dâôter son chapeau, refusa de sâasseoir et alla se planter devant la fenêtre. Il dut voir la voiture des fédéraux, mais ça ne lui fit ni chaud ni froid. Je commençai :
â Wood mâa appelé en pleine nuit⦠Enfin, Shirley.
Sans attendre, je lui racontai ma rencontre sur le parking du Titanic Memorial. Il mâécouta en hochant la tête, répétant des « Bien, bien ! », des « Je mâen doutais », « Parfait », comme si cela nâavait pas vraiment dâimportance.
Je finis par grogner :
â Câest tout lâeffet que ça vous fait ? On va avoir ce fichu
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