L’Inconnue de Birobidjan
Andreïeva Gousseïev). En raison des particularités de la mission Terre-Nouvelle, Overty nâa jamais connu lâidentité réelle de lâagent Michael David Apron : George Manfred Martin (grade : capitaine).
Â
John. H. Dents
Directeur Détachement 407
Hôpital St. Mary
San Francisco
Ãpilogue
Marina Andreïeva Gousseïev quitta lâOld County Jail pour entrer dans le carrosse de T. C. Lheen le 26 juin 1950 à 18 heures. Ulysse, dans sa tenue blanche, lui tenait la portière, et T.C. portait le petit sac de ses vêtements. Je nâétais pas très loin, fumant une cigarette sur lâaile de ma Nash.
Marina Andreïeva tourna son visage vers moi avant dâentrer dans la Chrysler. Elle ne sourit pas. Elle se contenta de mâoffrir un peu du bleu de ses yeux et, malgré la distance, il mâenvahit.
T. C. agita la main, sérieux et léger, un peu différent de lâhomme que jâavais connu jusque-là . Moi aussi je devais lâêtre, je suppose. Je regardai la Chrysler sâéloigner en songeant à notre conversation, huit heures plus tôt, après que je lui ai apporté le rapport Overty. T. C. mâavait lancé :
â Je vais proposer à Miss Gousseïev de venir se reposer ici pendant quelque temps. La maison est grande. Je suppose quâil nây a pas dâurgence à ce quâelle retrouve sa chambre de New York.
Il avait éprouvé le besoin dâajouter :
â En tout bien tout honneur, Al !
â Pas dâobjection, T. C. Et si vous lâaidez à redevenir ce quâelle est, une actrice, et quâon sâen aperçoive, vous pourrez compter sur moi jusquâà la fin de vos jours.
â Jây avais pensé. à lâaider à retravailler normalement, jâentends. Ãa mâétonnerait quâelle ait désormais le moindre problème avec Red Channel .
â Je vous demande une seule chose.
â Oui ?
â Vous avez lu le « Complément » à la fin du rapport ? Apron est un bon protestant du nom de Martin⦠Je pense quâil vaut mieux le cacher à Marina. Elle croit encore quâApron était juif, et câest très bien comme ça. Il nây a aucune raison dâabîmer ses souvenirs. Les autres sâen sont suffisamment chargés.
T. C. était dâaccord. Pour lui, ça nâavait guère dâimportance. Mais pour moi, la pensée que Marina et Apron, au temps du nazisme, aient pu, à leur manière, être « devenus juifs » afin de vivre leur amour dans ce Birobidjan perdu mâapaisait profondément.
Â
Au cours des jours suivants, la guerre de Corée occupa abondamment les unes des journaux, et Marina Andreïeva Gousseïev disparut comme par magie des articles concernant les enquêtes de lâHUAC. Sam me convoqua à New York. Jâeus, avec Wechsler et lui, une longue conversation. Il nâétait plus question que je quitte le New York Post et lâon mâaccordait quelques mois pour écrire mon bouquin. Sam me proposa un titre : LâInconnue de Birobidjan .
Jâétais encore à New York quand je reçus une invitation pour une soirée yiddish au grand Théâtre dâart Maurice Schwartz, à lâIrving Palace, le 17 juillet. Programme : un montage de textes de Cholem Aleikhem autour de Tévyé le laitier et de Tévyé et ses filles réunis sous le titre prometteur de Un violon sur le toit . Le nom de Marina Andreïeva Gousseïev occupait le haut de lâinvitation.
Shirley me rejoignit. Main dans la main, au côté dâun T. C. nerveux comme une puce, nous avons assisté au miracle. Marina ne fut pas seulement éblouissante de vérité et de simplicité. Jâavais beau retrouver dans lâampleur fascinante de ses gestes, dans sa voix et dans ses regards, mille détails que jâavais admirés durant les audiences de la Commission, jâavais beau savoir dâoù revenait sa beauté, tout sâeffaçait devant la seule grâce de son art.
Et câest ce soir-là , après les rires, les embrassades, les fleurs et les Mazel Tov , que jâentendis pour la première fois un nom crié par les vendeurs de journaux. Le FBI et le procureur Cohn venaient dâarrêter Julius et Ethel
Weitere Kostenlose Bücher