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L’Inconnue de Birobidjan

L’Inconnue de Birobidjan

Titel: L’Inconnue de Birobidjan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: MAREK HALTER
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J’ai entendu distinctement le gémissement de Marina Andreïeva et j’ai compris qu’elle avait reconnu Apron. Oblitine a passé la tête dans la cabine et m’a fait signe de me tenir prêt. À travers la couchette, j’ai senti la vibration du moteur qui accélérait. Les braillements des ourki couvraient tous les autres bruits.
    Une voix a crié plus fort que les autres. Marina Andreïeva a répondu, mais je n’ai pas compris ce qu’elle disait. Aux chocs sur le pont, j’ai conclu qu’ils déposaient la chaise d’Apron, et je crois bien avoir entendu sa voix. Par la lunette de la cabine, j’ai vu le fils d’Oblitine se placer près de son arme. Au même moment Marina Andreïeva a hurlé. J’ai saisi mon revolver et je suis sorti sur le pont. J’ai d’abord fait face au regard d’Apron et je me souviens avoir pensé à une tête de mort qui possédait encore des yeux.
    L’ourki glabre était tout à l’arrière du pont, les autres braillaient et riaient sur le quai,dans son dos. Il avait déchiré la chemise de Marina Andreïeva et la retenait par le poignet. Il a eu une seconde d’hésitation en me découvrant. Presque en même temps, il a repoussé Marina Andreïeva dans la caisse des filets pour libérer sa main droite et il a attrapé son couteau dans son étui de ceinture. J’ai tiré. Deux ou trois coups, et autant de balles dans sa poitrine. Il s’est écroulé. Oblitine a lancé le bateau. J’ai vidé le chargeur de mon arme sur le quai. Le mouvement m’a empêché d’être précis, je ne crois pas avoir atteint beaucoup de cibles. Le fils d’Oblitine a tiré lui aussi. Les ourki se sont mis à courir le long du quai. Le bateau s’est écarté trop lentement. Nous n’étions qu’à cinq ou six mètres, encore à portée d’arme.
    Nous n’avions pas pensé aux couteaux des ourki. Le temps que je me mette à l’abri, une lame m’est entrée sur le côté du ventre. L’épaisseur du bandage l’a empêchée de pénétrer en profondeur. Marina Andreïeva a reçu une estafilade au bras. Elle s’est précipitée sur Apron, recroquevillé sur sa chaise. Elle a hurlé de nouveau. Elle criait encore quand on est enfin sortis du port. Une lame plus longue que ma main était fichée dans le cou d’Apron.
    Â 
    Notre fuite s’est faite sans encombre. Mais le spectacle de Marina Andreïeva Gousseïev couchée sur le corps martyrisé d’Apron était éprouvant. Elle a refusé pendant trois jours qu’on le dépose en mer. Pendant ces trois jours, elle n’a cessé de raconter au cadavre comment elle avait conservé le certificat de leur mariage dans le camp, jusqu’à ce qu’une fouille plus poussée le découvre. Elle s’en excusait sans fin, comme si elle était persuadée que c’était là la raison des souffrances d’Apron. Elle lui avait promis de le maintenir en vie, et elle n’avait pas tenu sa promesse.
    Quand elle nous a laissés donner une sépulture à Apron, j’ai cru qu’elle était devenue folle.Pourtant, elle s’est mise à soigner ma blessure très raisonnablement, quoique sans plus prononcer un mot.
    Â 

    Le 19 septembre, après une navigation calme, Oblitine nous a déposés dans le port japonais d’Otaru avant de poursuivre sa route plus au sud. Marina Andreïeva Gousseïev m’a aidé à rejoindre le camp de prisonniers de guerre américains de Sapporo. Ma blessure me faisait considérablement souffrir. J’ai pu recevoir des soins au dispensaire du camp que l’armée américaine venait de libérer.
    Â 
    Je certifie sur l’honneur la véracité de tout ce qui est écrit ci-dessus.
    Â 
    Agent Julius. S. Overty
    OSS-(LT-ag-102)
    COMPLÉMENT  : L’agent Julius. S. Overty : OSS-(LT-ag-102) est décédé des suites d’une septicémie généralisée le 22 novembre 1945. Compte tenu de son état, une grande part de son rapport a été enregistrée et dictée.
    Après quelques soins à Sapporo, il a bénéficié d’un transport de rapatriement militaire vers San Francisco (7-14 octobre) en compagnie de Maria Apron (ou Marina

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