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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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sans doute maladroit, mais ce signe du destin me redonna du courage. Mieux, il décupla mon envie d’entrer dans ce monde et de l’affronter. Le roi n’était pas impalpable. Si je l’avais vu, je pourrais l’approcher. Sans ce défi personnel – voir le roi ! –, aurai-je eu le courage de me diriger vers un des gardes qui se tenait à l’entrée des jardins ?
    — Je voudrais faire parvenir une lettre au marquis de Penhoët, lui dis-je.
    J’entrais dans l’arène. J’avais osé.
    — Il fait partie de la cour, ajoutai-je d’une voix moins assurée.
    — Je connais ce nom. Donnez-moi votre écrit, ajouta-t-il d’un ton morne.
    Il ne demanda rien d’autre. Alors, je sortis de la poche de ma veste un pli que j’avais préparé la veille après avoir écrit à mon père. Dedans, il y avait une phrase : Vous me trouverez chez la marquise de Sévigné . Et un petit objet enroulé dans un morceau de soie, le portrait de ma mère que je portais au cou.
    J’ajoutai une livre dont le garde s’empara sans sourciller.
    — Il attend ce message et moi sa réponse, glissai-je dans l’espoir d’élever son honnêteté.
    Le sort était jeté. Les cartes données. Et je venais d’abattre le seul atout que je possédais. Alea jacta est . Les leçons de maître Blois revinrent à ma mémoire et j’en fus plus émue que je ne le voulais.
    — Regardez ! souffla Bonnefoix.
    Nous avions quitté le Parterre d’eau et il me montrait le petit attroupement qui s’y formait. Nous nous tenions à plus de cent pas. Et cela riait et parlait fort.
    — Les premiers courtisans ! souffla-t-il d’une voix glaciale. La suite vient dans un instant. Mais qui est celui richement habillé qui agite les bras ?
    L’homme dominait tous les autres de la taille. Aussi grand que mon père, il semblait du même âge. Il était vêtu d’une veste panachée de fils d’or, de gris et de bleu et portait des souliers parés de boucles rouges. Il tenait en main un large chapeau rehaussé par un ruban de soie arborant les couleurs de sa veste, dont il se servait comme d’un objet d’apparat, saluant chaque nouvel arrivant en baissant le poignet. Ses gestes étudiés s’accordaient avec les mouvements d’une perruque soigneusement coiffée et que la teinte de jais rendait éclatante. L’accord avec la veste bleue se révélait aussi saisissant que brutal. On ne voyait que lui. Entre deux saluts et un aller-retour, il tournait les yeux vers le château. Pas de doute, il attendait le roi et l’impatience se lisait dans ces mouvements de tête qui le conduisaient sans cesse du palais aux jardins. Sans qu’il s’en aperçoive, je pus le détailler encore et vis que sa main droite restait crispée sur la garde de son épée. Cet homme ne prêtait attention qu’aux gens de sa condition.
    — Qu’en pensez-vous ? s’enquit François.
    — Grand, fort, calculateur peut-être ?
    — Dangereux, cruel, dévoré par l’ambition.
    — Vous le connaissez ?
    — C’est mon père, le chevalier de Saint Val.

    François tourna le dos. Il ne prononça plus un mot tandis que nous retournions au carrosse. La traversée de Versailles se fit en silence. Le désordre infernal et les cris des hommes à la tâche n’expliquaient pas tout, notre guide marchait, épaules rentrées, les yeux attirés par le sol.
    Jean-Baptiste pressait le pas, lui, pour d’autres raisons. Il craignait la disette et sondait ses souvenirs. Il lui semblait avoir aperçu une auberge avenante non loin de l’hôtel du duc de Luynes où nous avions laissé l’attelage. Mais était-ce avant ou après ?
    — Nous demanderons à cet aimable domestique, conclut-il prudemment.
    — Je préférerais rentrer à Paris.
    C’étaient les premières paroles de François depuis que nous avions quitté la place d’Armes.
    Jean-Baptiste grommela qu’il ne retournerait pas le ventre vide chez la marquise de Sévigné. Avant d’attaquer un nouvel entretien avec Sébastien, il lui fallait plâtrer son estomac.
    — Ici, je trouverai de quoi calmer votre impatience, décida brutalement François de Saint Val. Après, nous partirons. Je tiendrai les rênes. Vous aurez tout le temps de manger sur le chemin du retour.
    — Ai-je mérité un tel traitement ? gémit le pauvre Bonnefoix.
    — Non, répondis-je. C’est pourquoi nous dînerons avant de partir.
    — Alors, ce sera sans moi !
    — Pourriez-vous m’expliquer ces continuels changements d’humeur, monsieur de Saint Val ? criai-je

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