L'Insoumise du Roi-Soleil
habitude, fit-il enfin. Je suis sincèrement désolé.
— Nous venons de franchir une étape décisive, lançai-je d’un ton léger. Tenez, en retour, je vous présente mes excuses. Ainsi, nous voilà quittes. Et pour nous qui souhaitions construire une estime mutuelle, voilà un bon début !
— Vous n’avez rien à vous faire pardonner, sourit-il faiblement. Tout est de ma faute. Je regrette amèrement cette algarade.
— Regardez cette robe ! Vous l’avez chiffonnée, lui reprochai-je en me forçant à gémir. Quelle violence ! Ce penchant vous est-il naturel ?
— Pas le moins du monde ! Je vous le jure, fit-il en cherchant de quel faux pli je pouvais bien parler. Et, balbutia-t-il, je m’étonne moi-même...
— Il me faut plus d’explications, minaudai-je. Allons ! Trouvez-moi une bonne raison...
Il hésita, mais je lus dans ces yeux qu’il mourait d’envie de soulager sa détresse. Finalement, il ne fit que murmurer :
— Je m’enflamme, sans doute, parce que je prête trop d’attention à chacun de vos mots.
— À la bonne heure ! Enfin quelques paroles gentilles...
— Et aussi parce que je redoute de vous perdre.
Il respira longuement avant de reprendre timidement :
— Vous faut-il m’écouter davantage pour comprendre ce que je cherche à vous dire ?
— François, je veux savoir précisément ce qui trotte dans cette tête.
Mais il resta ainsi, passant d’un pied sur l’autre comme le font les enfants pris une pomme à la main.
— Allons ! Décidez-vous.
— Je vous aime, répondit-il précipitamment. Et c’est ainsi depuis notre premier regard.
Ces mots à peine soufflés, il baissa la tête :
— Mais vous m’en voudrez sûrement, Hélène, car vous ne m’avez pas autorisé à vous révéler mes sentiments...
J’allais rétorquer qu’il se conduisait comme un sot, mais Bonnefoix choisit ce moment pour s’approcher de nous. Ce valet rusé comprit aussitôt la teneur de notre discussion et s’y mêla sans vergogne, d’un ton ironique et quelque peu cinglant :
— Ne pourrions-nous pas discuter d’une affaire qui a l’air si importante devant une soupe, une miche de pain et un fromage de Melun ?
— Patiente encore, répliquai-je, tout aussi décidée que lui.
Ma main trouva celle de François. Nos doigts et nos paumes se soudèrent comme si ce geste nous était familier. Je me sentais heureuse et apaisée :
— Les mots que je viens d’entendre sont doux et plaisent à mon cœur. Vous souhaitiez une réponse, la voici. Mes sentiments envers vous sont forts, eux aussi. François, regardez-moi. Écoutez-moi. Je vous permets de m’aimer. Non, ce n’est pas assez : je vous y invite.
Il ferma les yeux et porta ma main à sa bouche. Ses lèvres étaient douces, son baiser tendre. Et ses mots très étranges :
— Pourquoi vous ai-je rencontrée ?
Il voulut m’enlacer.
— Attendez, soufflai-je en retenant ce geste que je désirais tant. Je veux d’abord savoir ce qui vous hante. Je ressens votre désir de me chérir et je vous crois sincère. Pourtant, vous souffrez. Que craignez-vous, François de Saint Val ? Auriez-vous peur de moi ?
Il secoua la tête tristement :
— Non, c’est en pensant à moi que je suis effrayé. Beltavolo pourrait tant vous décevoir.
— N’avez-vous pas entendu ce que je vous ai également promis ? Me jugez-vous volage, tournant la tête, telle la girouette, au premier vent mauvais ? Livrez-vous, je vous en supplie.
Mais il se tut, torturé et ballotté de nouveau par ses propres pensées. Il affrontait l’orage, silencieux et terrible, qui se jouait en secret. Mon cœur laissa s’échapper un peu de bonheur. Que ne parvenait-il pas à confesser ?
— François, je peux sans doute vous aider.
Il secoua la tête rageusement. Sous le coup de son ire, ou de sa souffrance, sa respiration devint courte. Ses mains tremblaient. Il chercha le soutien de mon bras.
— François, continuai-je. Je vous aime... Mais cet aveu n’a de sens que si vous m’offrez le même abandon.
Il murmura une plainte, celle d’un animal blessé. Les larmes coulaient. Je vins à lui et c’est moi qui l’embrassai sur la joue :
— Que faut-il que je donne pour que vous me croyiez assez forte pour tout entendre ?
— Hélène, gémit-il, je vous aime. Hélène, si belle et si pure, que gagneriez-vous à éprouver pareille affection envers Beltavolo ? Je l’ai compris ce matin, continua-t-il d’une voix de plus en plus douloureuse. La
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