L'Insoumise du Roi-Soleil
cour, les nobles divertissements, les déclarations courtoises... Vous finirez par céder au coup de foudre car votre camp est celui de la noblesse. Un jour, le roi pardonnera à votre famille et tout rentrera dans l’ordre. Moi, je n’ai plus de goût pour ce monde et je n’y ai plus ma place.
— Je ne suis ici que pour défendre notre honneur, lui assurai-je.
— Et moi, je n’en ai plus.
— Parce que vous êtes comédien ? Parce que vous vous appelez Beltavolo ?
— Je n’en parlerai pas davantage puisque je vous libère. Si je vous aime, ce fut une folie de vous l’avouer. Trop d’événements nous séparent et je ne peux réécrire l’histoire.
Le temps viendrait à bout de ses inquiétudes, ai-je pensé. Ce qu’il ne voulait pas encore dire, je le mis de côté. J’attendrais qu’il se livre, je n’étais pas pressée, et je crus comprendre ce qui le rongeait. Je portais le nom de Montbellay. Il subissait celui de Beltavolo. Et dans ce siècle où le rang et le titre comptaient plus que l’honneur ou l’honnêteté, il y trouvait la cause de ses déchirements.
— Oui, soupirai-je. Cette histoire ressemble à celle des amants maudits dont le théâtre sait tirer parti. Le rôle est tentant, surtout dans votre métier. Vous feriez un beau Roméo, mais je n’ai pas envie de vivre en Juliette. Laissez tomber Shakespeare. Il vous fascine trop. Plutôt, écoutez-moi. Je n’aime pas la cour. Donc, je n’aimerai pas Versailles. Je suis ici pour venger mon père. Que je réussisse ou que j’échoue, je n’y resterai pas. Si Versailles est la cause du drame qui dévore votre cœur, sachez qu’il n’existe pas. Et je vous accepte tel que vous êtes.
— Même ce que vous ne connaissez pas de moi ?
— Défauts ou qualités ? me moquai-je. Allons ! Il faut en finir, le ventre de Bonnefoix crie famine.
— Promettez-vous de tout comprendre ? insista-t-il.
— Elle l’a chanté de belle manière. Croyez-la ! s’autorisa Bonnefoix. L’amour, ajouta-t-il, je n’y connais rien, mais il me semble que ce sentiment se conjugue avec la confiance. Vous offensez la vôtre et la sienne en doutant ainsi de vous, d’elle, de tous.
François s’avança vers Jean-Baptiste et lui serra la main :
— Pardon, mon ami, vous avez raison. De nous deux, vous êtes le plus sage.
— Il continue. Se flagelle-t-il aussi comme un dévot ? Mais enfin, mettez plutôt un genou en terre. Déclarez votre flamme, et voyez comment réagit cette charmante jeune femme. Puis, allons manger puisque je pressens la conclusion...
— Hélène ? Me permettez-vous encore un mot ? balbutia François.
— Désormais, vous avez le droit de ne plus prononcer de bêtises. Le sage Jean-Baptiste a parlé pour moi. Lui, il me fait confiance. Mais aussi, il me connaît mieux. Ouvrez-vous encore la bouche pour m’annoncer tout le mal que vous pensez de vous ?
— Quel idiot, je suis ! Pourquoi ai-je parlé si vite ? se plaignit-il.
— Ou bien vous en faites trop ou bien pas assez...
— Que dois-je dire, à présent ?
— Je vous aime.
— Je le jure sur ce que j’ai de plus cher au monde. Sur ma vie, sur mon...
— Et moi, je n’aime pas Versailles. Mon coup de foudre, c’est vous.
— C’est donc que vous et moi, nous avons... le même émoi, le même transport ?
— Oui, car je vous aime aussi. Du moins, mon cœur s’en persuade.
— Et je vous répète que si Hélène de Montbellay le croit, vous pouvez être rassuré, ajouta l’immense, le splendide Bonnefoix.
Pendant le repas, que nous prîmes finalement hors de Versailles, Jean-Baptiste se montra parfait. S’il soupira quand François me jetait un regard appuyé ou prenait timidement ma main, il posa peu de questions, du moins au début. Il mangea aussi, et de façon copieuse. Mais surtout, il raconta. L’âge d’or de mon enfance fut détaillé, enluminé et grossi. Le domaine de Saint Albert, qui n’en avait pas besoin, agrandi. Berthe, présentée telle une fée nourricière, et le curé de Saint Albert, un officiant doué pour la célébration des mariages.
— À condition que le marié soit sincère, s’empressa-t-il d’ajouter, sa bénédiction vaut de l’or. Ceux qui en ont profité n’ont connu que bonheur et fécondité. Mais, grâce à Dieu, nous n’en sommes pas là, grogna-t-il en lançant un regard noir à François.
Il mordit de bon cœur dans l’aile d’un beau poulet :
— Il faudrait aussi un fils à Saint Albert. C’est
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