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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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le plus urgent.
    Il se tourna vers le pauvre François :
    — Dans votre famille, compte-t-on des cas d’enfants boiteux ou tordus à la naissance ?
    Au grand désespoir de Bonnefoix, mon fidèle mentor, pas une de ses piques ne parvint à assombrir ce moment. Brocardait-il le pauvre Beltavolo ? Nous riions à sa suite, refusant de l’arrêter. Pourquoi rogner ce bonheur ?
    — Connaissez-vous l’Anjou, monsieur de Saint Val ? demanda-t-il encore en réussissant l’exploit de vider de concert sa chopine.
    — Je n’ai que peu voyagé, répondit l’intimidé.
    — C’est un mauvais point, barbota l’autre en claquant le palais. Le comte de Saint Albert aime les gens cultivés.
    — Taisez-vous, monsieur Bonnefoix, fis-je en riant. Vos complots ne m’impressionnent pas.
    — Nous rentrerons bien un jour. Et il me faudra rendre compte de tout à mon excellent ami, le comte de Saint Albert.
    — Il te faudra de la mémoire.
    — Et pourquoi ?
    — Je ne retournerai à Saint Albert qu’après avoir vu le roi.
    — Le coup d’œil de ce matin ne vous a pas suffi ? lança-t-il sur un ton d’un coup amer. Ce monde n’est pas le vôtre. Vous l’avez dit et j’en suis certain. Vous y suffoqueriez.
    — J’ai vu le fruit interdit dont tous deux, vous vous méfiez. Maintenant, je veux m’en approcher. Est-ce pour cela que j’y goûterai ?
    François remua sur son siège. Ses inquiétudes renaissaient.
    — Je n’ajoute rien à mon projet, précisai-je, mais je n’y retire rien. Je parlerai au roi. Lui ayant fait entendre ma raison, je rentrerai. Et qui m’aime me suive !
    François ne leva le nez que pour regarder Jean-Baptiste. Les deux soupirèrent.
    — Vous ne croyez toujours pas à mon entreprise ?
    Beltavolo se décida à parler :
    — Que se passerait-il si vous ne parveniez pas à voir le roi ?
    — Doutez-vous encore ?
    — Soit ! Vous le croisez. Il s’arrête. Vous lui parlez. Et il ne vous écoute pas.
    — Il le fera !
    — Hélène, votre courage est grand, et il y a de l’honneur dans votre entêtement, mais je vous supplie de m’entendre.
    — Ne faut-il pas tourner la page ? insista Bonnefoix. Penser à l’avenir ?
    — Le futur ! Mes remords y croupiront pour ne pas avoir agi comme j’y suis décidée. Je prends le risque d’échouer pour ne rien regretter. N’agiriez-vous pas de même envers ceux que vous estimez ?
    François replongea le nez sur la table. Jean-Baptiste soupira :
    — Un valet, un comédien tremblant d’amour et vous ? Quel équipage ! Nos atouts sont plus que faibles.
    — Vous oubliez le marquis de Penhoët, persiflai-je. Au jeu, il vaut tous les as !
    — Et s’il ne vous répond pas ?
    — Il le fera ! Voulez-vous parier ?
    Bonnefoix repoussa les restes de son repas d’un revers de la manche :
    — Alors, oui. Décidons que si le marquis de Penhoët ne se manifeste pas, vous renoncerez à votre quête.
    — Vous perdrez !
    — Dans ce cas, mademoiselle, je vous obéirai les yeux fermés.
    — Et vous, François ?
    — Je me suis déjà juré de vous suivre aveuglément.
    Son incertitude ? Elle semblait avoir disparu.
    — Ne jurez plus. Et ne fermez pas ces yeux que j’aime tant.
    Nous partîmes dans un grand rire. Le pacte était signé. Du moins, jusqu’à la réponse du marquis de Penhoët. Jean-Baptiste voulut y ajouter une accolade. Son manège suffit pour que François dépose enfin sur mes lèvres un vrai premier baiser. Dont le souvenir me fait vibrer encore.
    Son désarroi ? Il l’avait rangé aux oubliettes.

    Nous rentrâmes fort tard chez la marquise de Sévigné. Sur le chemin, François brûlait d’envies. Il aurait voulu me présenter à ses amis de la Commedia dell’Arte . Puis aurait aimé louer une embarcation pour descendre la Seine, parce que, selon lui, Paris ne se comprenait que de ce point de vue. Il nous imaginait déjà emprunter la rivière jusqu’à la mer et voguer jusqu’aux contrées de la Nouvelle-France où nous connaîtrions une vie d’aventures entourés de tribus indomptables. Enflammé, il bondit sur ses pieds alors que la voiture avançait à bon train :
    — Vous serez leur déesse et moi leur sorcier ! Je combattrai les ours et je ferai tomber la pluie !
    Il commença à sauter sur place en poussant des cris courts tirés de la gorge. Sa silhouette se mêlait à la nuit dont le noir était poursuivi par le voile lacté de la lune. Il se jeta sur moi en hurlant. Ses yeux verts se moquaient. Il jouait

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