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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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parfaitement.
    — Mais taisez-vous ! morigéna Bonnefoix. La Reynie va venir nous arrêter.
    — Qu’il le fasse, cher Jean-Baptiste. C’est la danse de l’amour chez les farouches Indiens. Et rien ne m’empêchera de l’exécuter.
    — Je croyais que vous n’aviez jamais voyagé ?
    François se pencha à l’oreille de Bonnefoix :
    — Je n’en ai pas eu besoin. Il existe à Paris des lieux où l’on rencontre les gens les plus étranges. J’ai vu ce que vous ne pouvez imaginer. Des femmes sybarites, des esclaves d’Afrique, des Perses avaleurs de feu, des mangeurs d’hommes venus d’Asie, des galériens tatoués de la tête aux pieds, des pirates d’Amérique dont les mains sont des crochets, des sauvages du Québec à la peau rouge...
    Il recommença à pousser ses cris.
    — Cocher ! Tournez à droite. Je vais lever une troupe d’anciens forçats qui sont de mes amis. Nous prendrons La Bastille et libérerons ses prisonniers. C’est un jour de gloire et il faut le marquer par un événement qui remontera jusqu’au roi.
    — Taisez-vous ! insistait Jean-Baptiste au comble de la peur.
    Mais François m’aimait, et il ne cessait de le répéter.
    Il le criait aussi aux passants, il lançait des baisers à ceux qui applaudissaient à notre passage. Au Pont-Neuf, il fallut arrêter l’attelage devant l’échoppe d’une vieille femme aux allures de sorcière qui vendait des bracelets frappés dans le bronze. Il en choisit un et le passa à mon poignet en m’embrassant tendrement. La vieille ricana, montrant sa bouche sans dent.
    — C’est votre jour de chance, grinça-t-elle. Je suis diseuse d’aventure. Pour le même prix, je vous dirai la vôtre.
    Le visage de la vieille s’encadrait dans deux grands flambeaux qui crachaient la suie. François me prit la main et voulut s’approcher de la scène, mais j’hésitai.
    — Que craignez-vous ?
    — Je préfère rester libre de mon destin.
    — Tu as raison, ma fille, marmonna la vieille, la mine assombrie. D’autant qu’il te faudra du courage pour l’affronter.
    — Tu ne nous apprendras rien, grand-mère ! se moqua François.
    — Toi, lança-t-elle en le montrant du doigt, tu n’as pas connu le bonheur. Toi, dit-elle à mon intention, tu en as en revanche connu trop. Il faudra prendre un peu de chacun.
    — Que signifient ces sornettes ? lui lança-t-il d’une voix soudainement tendue.
    — Il n’y a pas de bonheur sans larme. Sinon, comment savoir si tu es heureux ?
    — Veux-tu dire que nous souffrirons ? jeta François.
    Elle ricana et recula en nous regardant. Son corps, sa tête et sa bouche sans dent sortirent du halo de lumière et sa silhouette s’effaça dans le noir.
    — Où es-tu, vieille folle ! cria François. De quelle tristesse parlais-tu ?
    La devineresse avait disparu.
    — Allons, il faut repartir. Nous gênons le passage.
    Jean-Baptiste retenait l’attelage devenu nerveux. Nous montâmes en silence et arrivâmes dans le même appareil à l’hôtel Carnavalet.
    — Faut-il croire que l’amour rend triste ? murmurai-je.
    Mon soupirant m’embrassa passionnément : « Je promets de vous rendre heureuse. » Et me serra contre lui. La sorcière se trompait. Dans mon cœur, le bonheur y était tout entier.
    — Nous triompherons de tout, murmurai-je. Je promets à mon tour de faire de mon mieux.
    Mais la mélancolie m’avait gagnée. Je rencontrais l’amour et confusément je sentais que je le mettais en danger. Mon entêtement à vouloir sauver mon père risquait de nous perdre. N’était-il pas tentant de renoncer à ma quête et de vivre ?
    — J’attendrai trois jours la réaction du marquis de Penhoët. S’il ne répond pas, nous partirons dans notre monde à nous.
    — Pourquoi ne pas commencer ce soir ?
    — C’est un long périple pour celui qui n’a jamais voyagé, le taquinai-je. Il faut s’y préparer. Et patienter.
    Nos corps se soudèrent encore et les premières larmes vinrent, sans savoir si le désir, ou le bonheur, ou la tristesse les commandait.
    — Allons, il est tard, fit doucement Jean-Baptiste. Il faut rentrer. Pensez à l’inquiétude de la marquise de Sévigné.
    — Je viendrai à midi prendre de vos nouvelles et ce sera ainsi pendant les trois prochains jours.
    — À demain, François de Saint Val.
    — À demain, Hélène de Montbellay.

    Je souhaitais me retrouver seule, mais madame de Sévigné m’attendait. Il me fallut lui raconter en détail la journée à Versailles. La

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