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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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boîte de chocolats, fraîchement ravitaillée chez maître Chaillou, fut sacrifiée. La marquise m’écouta attentivement et ne posa qu’une ou deux questions sur Versailles, sans les greffer de commentaires. Puis elle soupira d’aise. Ma découverte de l’amour la ravissait. Elle ne s’intéressait qu’à ce sujet, manière charmante mais peu discrète de me dissuader de poursuivre mon entreprise.
    — Je suis impatiente de rencontrer ce coup de foudre.
    Elle chercha dans la boîte et se fit une raison :
    — Je pourrais agir pour le rapprochement du père et du fils...
    — Je vous remercie, mais laissez-nous avancer seuls. Nous devons apprendre à nous connaître.
    — Tu as sans doute raison.
    Elle se leva, signe qu’elle souhaitait se retirer.
    — Il faut que nous soyons en beauté afin de recevoir le marquis de Penhoët !
    Elle se donnait du mal pour paraître confiante, mais je n’étais point dupe : au fond d’elle, elle ne croyait pas à son apparition.
    J’abandonnai le pauvre Jean-Baptiste aux mains de Sébastien et rejoignis mon doux appartement. J’essayai d’écrire à mon père, mais je renonçai. J’hésitais à parler de ce bonheur si fragile que la défense de sa cause pouvait mettre en péril. J’avais peur qu’il me demande d’arrêter. Or je n’étais pas prête à affronter tant d’événements et de contradictions. Dans le noir de la nuit, il me vint même la tentation d’abandonner mes projets pour accueillir le désir et le bonheur. Je me pris presque à espérer que le marquis ne se manifesterait pas. Sur un coup de tête, je décidai de consacrer ma vie à mon coup de foudre mais aussitôt que je me retournais dans le lit, je gémissais de douleur. Combien de fois regretterais-je plus tard ma lâcheté ? Entre les remords, les doutes et l’amour, je ne sus bientôt plus ce qui menaçait ma vie, et d’où surgiraient les larmes qu’entrevoyait la vieille sorcière.
    DONNEZ-MOI LA MATIÈRE, JE JETTERAI DE L’ÉCLAT
    1 - C’est encore du déjeuner dont on parle ici.

IX. Un éclat à la cour
    — Il vient d’arriver !
    La marquise de Sévigné portait ce jour-là une robe rose parcourue de pétales brodés dans de la soie grise. Ses cheveux étaient soigneusement relevés en chignon et cette sobre coiffure faisait briller ses boucles d’oreilles taillées dans des pépites plus scintillantes qu’une goutte de rosée. Elle avait renoncé à la sagesse en choisissant d’exhiber une parure d’or jaune et blanc qui déshabillait sa gorge. Auprès du cœur, dans le creux naissant de ses seins, nichait un beau diamant noir taillé en forme de perle. Elle s’approcha, nimbée d’un parfum de musc et de lilas, la fleur préférée du roi.
    — Allons ! Il est là.
    Mon cœur se serra. Je courus retrouver François, puisque je pensais à lui.
    — Le rouge va nous venir aux joues ! cria-t-elle en ramassant les plis de sa robe pour courir derrière moi. Ne te précipite pas, regarde-moi encore. Parfait. Cette robe s’arrange très bien sur toi. Passe devant. Je m’essouffle.
    Tôt le matin, la marquise avait ouvert les tiroirs de la commode de sa chambre où elle gardait selon son propre aveu quelques effets « que les tentations de maître Chaillou l’empêchaient depuis peu de porter ». « Décide-toi, Hélène », avait-elle ajouté. J’avais choisi une robe taillée dans une étoffe de Lyon parcourue de motifs de fleurs roses et blanches qui me rappelaient les douces églantines de Saint Albert. Plairait-elle à François ?
    La question resta sur le bord de mes lèvres.
    Je m’arrêtai au seuil du salon. Un homme richement habillé attendait près d’une fenêtre, le dos tourné, plongé dans l’observation des agitations de la rue. En entendant mon pas, il se retourna calmement. Il ne dit rien, mais son regard bleu-gris me perça. Il prit encore le temps de me juger et, plus encore, de me détailler de la tête aux pieds. D’emblée je compris la force du libertin. Le chat regardait-il ainsi sa proie avant de la dévorer ? Ce galant personnage, me suis-je dit, est plus dangereux qu’un félin. Méfie-toi, Hélène, et ce n’est pas son âge – Dieu, qu’il est vieux ! Il doit approcher soixante ans – qui le rendra moins audacieux.
    N’ayant, je crois, négligé aucun détail de mon anatomie, il sembla sortir d’un songe, se redressa, émit un soupir qui pouvait paraître pour un regret, et reprit une attitude aussi digne qu’irréprochable. Enfin,

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