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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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l’Affaire des Poisons. C’est donc que nous aurions peur de cet édit, au point de ne savoir comment convaincre le roi, tenu par un vœu royal, de le respecter. Car, madame, vous avez dit que l’édit de Nantes s’apparentait à une promesse sacrée, soulevant ainsi une question délicate : comment composer avec cet autre jurement, celui du Sacre, dans lequel le roi s’est engagé à exterminer l’hérésie ? Et vous avez ajouté, sous le feu de la passion, que les casuistes ne pourront pas démontrer qu’un serment vaut plus qu’un autre. Ce sont vos mots. Et si nous le regrettons, il faudra composer avec et vous répondre : le fameux édit de Nantes est-il aussi inviolable que la parole du Sacre ?
    Il quitta son fauteuil et se plaça devant le feu, tendant ses mains sèches vers l’âtre pour en tester la chaleur :
    — Mais, à propos de l’édit de Nantes, de quel texte parlons-nous ? Je vous pose cette question car il y a tant de versions coupées, tronquées, recopiées, tant d’articles secrets, d’annexes, de brevets ! C’est simple – mais le savez-vous ? –, il n’existe pas de document unique. Une loi lisible par tous, un texte fondateur sur lequel nous pourrions discuter en paix ? Un document sur lequel le roi aurait prêté serment ? Hélas, on ne le trouve plus... Il a disparu. Cet édit est donc aussi vague et incertain que sa date de signature, dont vous ne pouvez ignorer qu’elle nous est inconnue. Ainsi, il ne reste que les versions raturées et recopiées par les parlements de nos régions, à des dates variables. Pour un édit fondateur, voilà qui commence assez mal, ne trouvez-vous point ? Nous parlions d’un texte que certains jugent auguste et nous ne savons à quoi nous référer. Mais feriez-vous vraiment partie de ceux qui sanctifient cet accord en ayant connaissance de ces faits incertains, discutables, et périlleux pour l’esprit de l’honnête homme ?
    — Le fond compte plus que la forme, dis-je prudemment. Ce sont les idées qu’il contient, et que nous connaissons tous, qui justifient l’édit de Nantes et en font un acte irremplaçable.
    — Ah ! Irremplaçable, ce n’est déjà plus sacré. Mais vous avez parlé du fond de cet édit. C’est donc que vous souhaitez que nous en venions à ce qu’il y a dedans. Bien ! Alors, si vous l’avez lu, ce dont je me permets de douter, en toute charité, vous savez que ce contrat parle surtout d’argent et de places fortes. Il s’agit avant tout de sauver un pays divisé, ruiné et exsangue. Tu auras cela. Et toi ! que me donnes-tu en échange ? Pour l’avoir étudié, je vous assure que c’est le ton général. Mais il vous faut des preuves car je suis jésuite... Prenons donc ce qui est écrit dans le premier brevet de l’édit de Nantes. Y parle-t-on de foi, de tolérance, de liberté ? Oh ! ce serait trop beau, trop fort, et cela mettrait fin à notre sujet. Dans ce brevet, il est question d’argent. Quarante-cinq mille écus seront versés aux protestants pour leurs affaires secrètes . On croirait une discussion de maquignon ! Ouvrons le deuxième brevet. Qu’y lit-on ? Cent cinquante places de garnison ou de sûreté demeureront en la garde des protestants . Cette fois, il s’agit des moyens de se faire ou de ne pas se faire la guerre. Où est l’amour de Dieu ? Pardonnez-moi de chercher encore ! Mais ne croyez pas que je veuille détruire l’édit de Nantes, je souhaite juste vous en expliquer le véritable dessein. Le fond, demandiez-vous ? Je l’ai sondé et j’y ai vu un traité de paix, utile, comme le sont tous ces contrats, et provisoire, car après la paix revient la guerre. C’est donc une loi humaine, pas celle de Dieu. Oui, l’édit de Nantes est un outil de trêve pour mettre fin à la guerre et je m’en félicite, et j’applaudis l’œuvre du roi Henri IV, le grand-père de Louis XIV... Mais, madame, où sont écrites les valeurs que vous défendez, vous et votre père, et pour lesquelles, j’ai, cela vous étonnera, le plus grand respect ? Oui, je parle de la liberté de croyance, du droit de vivre sa foi ? Car c’est bien le sujet dont vous voulez débattre ?
    — Oui, c’est de cela, répondis-je terriblement impressionnée par cet homme sans allure, et pourtant si redoutablement convaincant.
    — La foi ? Hum, il faut la chercher bien loin, fit-il en fermant un instant les yeux. Oui, il faut travailler comme je l’ai fait pour trouver une page, une ligne où il en est

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