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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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ces membres décharnés, ces cheveux blancs et ces joues creuses et sépulcrales me promettent-ils encore des années, moi qui n’oserais pas même demander au ciel de m’accorder une minute, si elle était digne d’une prière, tant mon épreuve sur la terre a déjà été longue ?
    – Le sage doit certainement prévoir un passage qu’on ne craint souvent que parce qu’on n’y est pas préparé.
    – Eh bien ! Lionel Lincoln, tout vieux, tout faible que je suis, quoique déjà sur le seuil de l’éternité, je ne suis pas plus près de la tombe que le pays auquel vous avez voué votre sang ne l’est d’une convulsion terrible qui ébranlera toutes ses institutions jusque dans leurs fondements.
    – Je ne puis convenir que les présages soient aussi alarmants que vos craintes vous les représentent, dit Lionel en souriant ; quelque émotion qui arrive, l’Angleterre n’en ressentira le choc que comme la terre supporte l’éruption d’un de ses volcans. Mais nous employons des figures inutiles, Monsieur ; connaissez-vous quelque circonstance qui justifie la crainte d’un danger immédiat ?
    Les yeux de l’étranger brillèrent un moment d’un éclat extraordinaire, et un sourire ironique anima un instant ses traits flétris, tandis qu’il répondait lentement :
    – Ceux-là seuls qui perdront tout au changement doivent trembler. Un jeune homme qui secoue le joug de ses tuteurs n’est point porté à douter qu’il ne soit capable de se gouverner lui-même. L’Angleterre a tenu si longtemps ces colonies à la lisière, qu’elle oublie que son enfant est en état de marcher seul.
    – Mais, Monsieur, vous outrepassez même les projets frénétiques de ces hommes audacieux qui se font appeler les enfants de la liberté, comme si la liberté pouvait exister quelque part plus forte et plus heureuse que sous la constitution de l’Angleterre ! Ils ne demandent que ce qu’ils appellent le redressement de torts, qui, pour la plupart, n’existent que dans leur imagination.
    – Jamais une pierre lancée est-elle revenue sur elle-même ? Qu’une seule goutte de sang américain soit versée dans la querelle, et la tache en sera ineffaçable.
    – Malheureusement cette expérience a déjà été faite ; cependant bien des années se sont passées, et l’Angleterre a toujours su maintenir ici sa puissance.
    – Sa puissance ! répéta le vieillard ; ne reconnaissez-vous pas, major Lincoln, dans la patience et la soumission de ce peuple, lorsqu’il croyait avoir tort, l’existence de ces mêmes principes qui le rendront invincible et inébranlable maintenant qu’il a le bon droit en sa faveur ? Mais nous perdons un temps précieux ; je veux vous conduire dans un lieu où, de vos propres yeux et de vos propres oreilles, vous pourrez juger de l’esprit qui anime ce pays. Suivez-moi.
    – Vous ne pensez sûrement pas à sortir par un pareil orage ?
    – Cet orage n’est rien en comparaison de celui qui est prêt à éclater sur nos têtes, si vous ne revenez sur vos pas. Mais suivez-moi ; si un homme de mon âge méprise la tempête, un officier anglais doit-il hésiter ?
    Lionel se décida aussitôt ; il se rappela l’engagement qu’il avait pris sur le vaisseau avec son vieil ami, de l’accompagner à une scène semblable, et il fit à sa toilette les changements nécessaires pour cacher sa profession. Après avoir jeté un large manteau sur ses épaules pour se garantir de la pluie, il se disposait à sortir le premier pour montrer le chemin à son compagnon, lorsque la voix de celui-ci l’arrêta :
    – Vous vous trompez de chemin, dit-il ; cette visite, dont j’espère que vous saurez profiter, doit rester secrète. Personne ne doit pouvoir même soupçonner votre présence, et si vous êtes le digne fils de votre honorable père, j’ai à peine besoin d’ajouter que j’ai répondu de votre discrétion.
    – Vous pouvez y compter, Monsieur, dit Lionel avec fierté ; mais pour voir ce que vous désirez, il ne faut sans doute pas rester ici.
    – Silence, et suivez-moi, dit le vieillard en ouvrant la porte qui conduisait à un petit appartement qui ne recevait de jour que par une des fenêtres de côté dont nous avons parlé en décrivant l’extérieur du bâtiment. Le passage était étroit et sombre ; mais, en suivant exactement les indications de son compagnon, Lionel réussit à descendre sans danger un petit escalier dérobé et très-raide, qui servait

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