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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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d’un ton plus doux, lorsqu’il fut prévenu par l’étranger que son air de hauteur et de mécontentement n’avait point paru intimider.
    – Je vous comprends, major Lincoln, dit-il avec calme ; mais il peut exister des raisons capables de justifier une indiscrétion plus forte encore que celle dont vous m’accusez. Le hasard et non l’intention m’a fait connaître vos plus secrètes pensées sur un sujet qui m’intéresse vivement. Souvent, pendant notre voyage, vous m’avez pressé de vous faire connaître un secret important qui vous concernait, et vous vous rappelez que je gardai toujours le silence.
    – Vous m’avez dit, Monsieur, que vous étiez maître d’un secret que, j’en suis certain, il m’importait de connaître, et je vous avais prié de me le révéler ; mais je ne m’aperçois pas…
    – Comment le désir de posséder mon secret me donne le droit de pénétrer les vôtres, voulez-vous dire ? interrompit le vieillard. En effet ; mais l’intérêt que je prends à vous, et que vous ne pouvez pas encore comprendre, intérêt consacré par ces larmes brûlantes, les premières qui tombent, depuis bien des années, d’une source que je croyais tarie, doit aujourd’hui me servir d’excuse.
    – N’en doutez pas, dit Lionel profondément affecté du son de voix mélancolique du vieillard, et je ne veux plus entendre d’explications sur ce sujet désagréable. Vous n’avez rien vu dans cette lettre, j’en suis sûr, dont un fils puisse rougir.
    – J’y ai vu bien des choses, Lionel Lincoln, dont un père aurait droit d’être fier, répondit le vieillard. L’amour filial qui respire dans cette lettre est ce qui a tiré ces larmes de mes yeux ; car celui qui a vécu comme moi jusqu’à un âge où peu d’hommes parviennent sans connaître l’amour qu’un père éprouve pour son enfant, ni celui qu’un enfant porte à l’auteur de ses jours, sent vivement son malheur, s’il n’a pas survécu à tous les sentiments de la nature, lorsque le hasard lui offre l’image d’une affection si tendre, qu’il aurait achetée volontiers au prix de tout son sang.
    – Vous n’avez donc jamais été père ? demanda Lionel avec un vif intérêt qu’il ne pouvait définir, et en s’asseyant auprès du vieillard.
    – Ne vous ai-je pas dit que je suis seul ? répondit-il d’un ton solennel… Après un moment de silence imposant, il reprit d’une voix basse et mal assurée : – J’ai été époux et père dans ma jeunesse ; mais il y a bien longtemps qu’aucun lien ne m’attache plus à la terre. La vieillesse est la voisine de la mort, et le froid glacial du tombeau pénètre jusqu’à son cœur.
    – Ne parlez pas ainsi, interrompit Lionel ; vous calomniez un cœur dont j’ai admiré cent fois les nobles élans. Avec quelle chaleur ne vous ai-je pas entendu prendre la défense des colonies que vous dites opprimées !
    – Ce n’est que la clarté d’une lampe expirante qui ne brille jamais avec plus de force que lorsqu’elle est prête à s’éteindre pour toujours. Mais quoique je ne puisse pas vous inspirer une ardeur que je ne possède plus, je veux vous signaler les dangers qui vous environnent, et vous servir de fanal lorsque je ne puis plus vous être utile comme pilote. C’est dans ce dessein, major Lincoln, que j’ai bravé la tempête cette nuit.
    – Est-il arrivé quelque chose qui rendit le danger si pressant que vous ne pussiez attendre qu’elle fût du moins dissipée ?
    – Regardez-moi, dit le vieillard vivement. J’ai vu cette florissante contrée lorsqu’elle n’était encore qu’un vaste désert ; mes souvenirs me reportent au temps où les sauvages et les animaux des forêts disputaient à nos pères la plus grande partie de ce sol, qui suffit maintenant pour donner l’abondance à plusieurs milliers d’habitants. Je ne compte point mon âge par années, mais par générations. Croyez-vous que je puisse compter encore sur beaucoup de mois, de semaines, ou même de jours ?
    Lionel embarrassé baissa les yeux, et répondit :
    – Vous ne pouvez plus, il est vrai, compter sur un grand nombre d’années ; mais, avec votre activité et votre tempérance, c’est vous défier de la bonté de Dieu que de ne plus espérer que des mois ou des semaines.
    – Eh quoi ! dit le vieillard en étendant une main décolorée sur laquelle de grosses veines saillantes n’annonçaient que trop le dépérissement de la nature,

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