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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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conjectures, ni dans la conduite, ni dans la manière de vivre de Lionel. Il continuait à demeurer chez Mrs Lechmere ; mais ne voulant pas abuser de l’hospitalité de sa tante, il avait loué à peu de distance un logement où demeuraient ses domestiques, et où on savait qu’il recevait toutes ses visites. Le capitaine Polwarth ne manqua pas de se plaindre hautement d’un arrangement qui détruisait d’un seul coup toutes les espérances qu’il avait fondées sur le séjour de son ami dans une maison qu’habitait sa maîtresse, et où il s’était flatté de s’introduire. Mais comme Lionel recevait ses amis chez lui, avec la libéralité convenable à un jeune homme possesseur d’une grande fortune, le gros officier d’infanterie légère y puisait mille sources de consolation qui lui auraient été refusées si la grave Mrs Lechmere avait présidé aux arrangements domestiques de Lionel.
    Lionel et Polwarth étant enfants avaient été à la même école, puis membres du même collège à Oxford, et ensuite depuis bien des années ils étaient officiers au même corps de l’armée. Quoiqu’il eût été difficile de trouver deux hommes qui différassent plus complètement l’un de l’autre, soit au physique, soit au moral, cependant, par un de ces inconcevables caprices qui nous portent à aimer ceux qui forment le plus parfait contraste avec nous, il est certain que l’armée ne renfermait pas deux officiers plus étroitement unis. Il serait inutile de rechercher les causes de cette singulière amitié ; le hasard et l’habitude lient tous les jours des hommes plus dissemblables encore, et cette liaison devient plus forte encore lorsque l’une des parties jouit d’une égalité de caractère à toute épreuve. Quant à cette dernière qualité, le capitaine Polwarth la possédait au suprême degré ; sa bonne humeur habituelle contribuait autant que la bonne chère à augmenter l’embonpoint qui le faisait remarquer, et s’il ne déployait pas toujours un esprit transcendant, son inaltérable gaieté ne le quittait jamais.
    Comme Lionel passait la plus grande partie de son temps chez Mrs Lechmere, et qu’il ne pouvait pas surveiller ce que le capitaine Polwarth appelait son ménage, celui-ci en prit la direction avec un zèle qu’il ne cherchait pas à faire passer pour désintéressé. Par la règle établie dans le régiment, il était forcé de faire partie de la table des officiers, où l’économie et les lois somptuaires apportaient à ses talents et à ses désirs des obstacles difficiles à surmonter ; mais chez Lionel, il trouvait l’occasion après laquelle il soupirait en secret depuis longtemps, de pouvoir, sans regarder à la dépense, exercer ses talents culinaires, et satisfaire ses goûts gastronomiques. Quoique les pauvres de la ville, ne trouvant plus d’ouvrage, n’eussent pu subsister sans les aumônes abondantes, les vêtements et les vivres qu’ils recevaient des parties des colonies les plus éloignées, cependant les marchés ne manquaient encore d’aucune des choses nécessaires à la vie, et même à la bonne chère, pour celui qui avait les moyens de les payer. Le capitaine se trouvait dans son centre, et dans la quinzaine qui suivit l’arrivée de Lionel, on sut à la table des officiers que Polwarth dînait tous les jours avec son ancien ami, le major Lincoln, quoique, à dire vrai, ce dernier fût invité plus de la moitié du temps chez les principaux officiers de l’état-major.
    Cependant Lionel continuait à coucher chez sa tante, dans Tremont-Street, où il retournait toujours avec un plaisir et une assiduité que la froideur de leur première entrevue ne semblait pas promettre. Il est vrai que son intimité avec Mrs Lechmere ne faisait pas beaucoup de progrès ; cette dame, toujours cérémonieuse, quoique polie, s’entourait de dehors froids et artificieux qui auraient ôté à Lionel toute occasion de rompre la glace de son caractère, lors même qu’il en eût eu le désir. En revanche, au bout de quelques jours, il eut tout lieu d’être satisfait de l’accueil qu’il reçut de ses jeunes cousines. Agnès Danforth, qui n’avait rien à cacher, céda insensiblement à sa franchise et à son amabilité, et avant la fin de la première semaine, elle défendait les droits des colons, riait des folies des jeunes officiers, et avouait ses propres préjugés avec une grâce et une gaieté qui la rendit bientôt la favorite de son

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