Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
auprès du gouverneur, on jugeait qu’ils avaient sur lui une malheureuse influence, et que, par leurs conseils pernicieux, ils empoisonnaient son esprit, et l’excitaient à des actes d’injustice et de tyrannie qu’il aurait condamnés lui-même s’il eût été libre de ne consulter que ses opinions et ses inclinations ordinaires.
Quelques jours après l’affaire de Lexington, une assemblée générale des habitants de Boston fut convoquée, et il fut convenu solennellement entre eux et le gouverneur que ceux qui voudraient remettre leurs armes auraient la liberté de sortir de la ville, et que ceux qui préféreraient y rester seraient protégés dans leur demeure. La plupart remirent leurs armes ; mais la partie de la convention relative à la faculté qu’ils devaient avoir de quitter la ville fut violée sous des prétextes légers et insuffisants. Ce motif et diverses autres causes provenant du gouvernement militaire exaspérèrent les habitants et leur fournirent de nouveaux sujets de plainte. D’une autre part, la haine prenait rapidement la place du mépris dans le cœur de ceux qui se voyaient forcés de changer de sentiments à l’égard d’un peuple qu’ils ne pouvaient aimer. De cette manière, le ressentiment, la méfiance, et toute la violence des haines personnelles régnaient dans la ville, et fournissaient aux troupes une nouvelle raison pour désirer de s’étendre sur un terrain moins resserré.
Malgré ces augures défavorables pour la guerre qui venait de commencer, la bonté naturelle de Gage, et peut-être le désir de délivrer quelques officiers qui étaient tombés entre les mains des colons, le portèrent à consentir à l’échange des prisonniers qui avaient été faits dans la journée de Lexington, établissant ainsi, dès l’origine, un caractère distinctif entre cette guerre et une rébellion contre l’autorité légitime du souverain. Un rendez-vous fut fixé pour cet échange dans le village de Charlestown, qu’aucune des deux armées n’occupait alors. À la tête des commissaires américains parurent Warren et cet ancien partisan dont nous avons déjà parlé, qui, par un mélange aussi heureux qu’il est rare, avait pour les œuvres de charité la même ardeur qu’il portait sur le champ de bataille. Plusieurs vétérans de l’armée royale étaient présents à cette entrevue. Ils avaient passé le détroit pour s’entretenir amicalement une dernière fois avec leur ancien camarade, qui les accueillit avec la franchise d’un soldat, et qui repoussa avec une fermeté sans prétention les efforts de ceux qui cherchaient à lui faire abandonner les bannières sous lesquelles il servait.
Tandis que ces événements se passaient dans les lieux qui étaient alors le théâtre de la contestation, le bruit des préparatifs de guerre retentissait dans toute l’étendue des colonies. De légers actes d’hostilité furent commis en différents endroits, les Américains n’attendant plus que les Anglais fussent les agresseurs. Partout on saisissait les approvisionnements militaires dont on pouvait s’emparer, soit par des voies amiables, soit à force ouverte, comme la circonstance l’exigeait. La concentration de la plupart des troupes à Boston n’avait pourtant laissé aux autres colonies que peu de choses à faire comparativement ; mais, quoiqu’elles fussent encore de nom sous l’autorité de la couronne britannique, ces colonies ne négligeaient aucun des moyens en leur pouvoir pour faire valoir leurs droits jusqu’à la dernière extrémité.
À Philadelphie, le congrès des délégués des Colonies-Unies, ce corps qui donna de l’unité aux mouvements d’un peuple commençant pour la première fois à agir en nation distincte, publia ses manifestes, soutint avec un talent supérieur les principes des colons, et organisa une armée pour les défendre autant que les circonstances le permettaient. D’anciens militaires qui avaient servi le roi furent invités à se ranger sous les bannières de la confédération, et les autres officiers furent choisis parmi des jeunes gens pleins d’une ardeur martiale, disposés à risquer leur vie dans une cause dont le succès promettait si peu d’avantages personnels. À la tête de cette liste de guerriers encore sans expérience, le congrès plaça un de ses membres, un homme déjà distingué par ses services militaires, et qui a depuis légué à son pays la gloire d’un nom sans tache.
CHAPITRE
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