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Liquidez Paris !

Liquidez Paris !

Titel: Liquidez Paris ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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tromper ! crie Porta.
    – Comment ?
    – En sautant, c’est ta seule chance.
    Le lieutenant est livide. Déjà on prépare une ampoule de morphine et les paquets de pansements ; s’il en sort vivant, il faudra beaucoup de pansements. Mais le légionnaire empoigne son revolver ; de toute façon, Claus ne souffrira pas longtemps. Appelez ça un meurtre si ça vous chante. Depuis six ans, nous ne l’avons pas quitté. Six ans ! C’est beaucoup pour un soldat du front surtout dans un régiment de chars où la moyenne de la vie est de quatre-vingt-dix jours… Et puis quelque chose d’aussi bête qu’une mine ! Et une mine à ficelles ! Un enfant lui-même l’aurait décelée, mais voilà, c’est toujours comme ça : à force d’user ses nerfs sur ces saloperies, on a une seconde d’inattention, et c’est le danger suprême quand on tripote les mines.
    Depuis quand sommes-nous là ? Des secondes, des minutes, des heures, des années ? Le temps s’est arrêté. Nous attendons la mort qui attend non moins patiemment une proie sûre. Le lieutenant lève une main et salue, puis lentement, très lentement, il ploie les genoux, se prépare à sauter… Il a décidé de tenter sa chance, d’essayer de tromper la mine.
    J’appuie mes mains sur mes oreilles pour ne pas entendre ce terrible glas. Claus reste accroupi, sans avoir la force de se décider. Tant qu’il est debout au-dessus de la mine, il se sent vivre, mais s’il saute… une chance sur mille !
    Nous le regardons, hypnotisés. Il met ses paumes par terre, puis se relève.
    – Jetez-moi des vestes.
    Dix vestes volent vers lui, mais trois seulement l’atteignent. Petit-Frère veut encore s’élancer et Porta l’abat d’un coup de manche de pelle. Assez d’un mort ! Mais Claus s’en est aperçu.
    – Merci Petit-Frère ! crie le lieutenant.
    – Bandits, salauds, lâches ! hurle Petit-Frère qui revient à lui.
    Il faut quatre hommes pour le tenir ; le légionnaire presse son revolver sur le front du géant qui lui mord la main si cruellement que l’homme des sables en crie de douleur. Nous voyons le lieutenant enrouler les vestes autour de lui ; si des éclats lui labouraient le ventre, ce serait fini. Puis il salue encore… Il va se décider.
    Je chuchote :
    – Saute !
    Soudain, dans le lointain, tintent des cloches, de joyeuses cloches qui fêtent la libération de la France. Le vent nous apporte les gais carillons. Tout est oublié : les ruines, l’enfer du débarquement ; dans les rues, les soldats américains dansent avec les filles françaises. « Vive la France ! Vive les Américains ! Mort aux Allemands. A mort !
    Le lieutenant Brandt saute. Une flamme aveuglante, un bruit assourdissant… Nous nous précipitons ! Ses deux jambes sont arrachées, l’une gît près de lui, l’autre a disparu, et tout son corps est gravement brûlé, mais Claus n’a pas perdu connaissance.
    On enfonce une aiguille dans le corps pantelant ; Porta et moi posons un garrot sur les cuisses. L’uniforme est en loques, une odeur s’exhale, un mélange de chair et d’étoffe grillées. Claus hurle, les souffrances commencent. Ça aussi, nous connaissons.
    – Morphine ! rugit Petit-Frère en bousculant l’infirmier. A quoi est-ce que tu sers, espèce de con ?
    – Je n’en ai plus !
    – Alors tu fais du marché noir ! crie le géant en se jetant sur le malheureux qui se défend furieusement.
    Mais l’autre le renverse, le fouille, éparpille la cantine de la Croix-Rouge, piétine les aiguilles, les seringues. Il est fou furieux, dangereux, personne n’ose l’approcher. Pas de morphine ! Alors il empoigne son revolver, le soupèse, et soudain le jette par terre.
    L’infirmier suggère une transfusion. Vingt bras se tendent, mais il faut contrôler les groupes sanguins et Petit-Frère devient fou de nouveau lorsqu’on refuse son sang. Impossible de lui faire comprendre qu’il n’est pas du groupe voulu.
    – Je vous emmerde ! Du sang c’est du sang ! J’en ai cent litres, je suis le plus fort de tous !
    Lentement le lieutenant s’affaiblit.
    – Il ne va tout de même pas mourir ! gémit Petit-Frère au désespoir. C’est la fin de la guerre. Tiens, Claus, une cigarette, ça aide !
    Et il presse une cigarette entre les lèvres qui deviennent bleues.
    Partout des cloches répondent aux cloches. Elles sonnent pour la libération de la Normandie, elles sonnent pour la mort du lieutenant dont nous

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