Liquidez Paris !
portons le cadavre sur nos épaules. Muet de chagrin, Petit-Frère marche le premier, et derrière lui Porta joue sur son harmonica Le voyage des cygnes sauvages , cet air que Claus aimait tant.
C’est ainsi que sans regarder personne, la tête droite, nous traversâmes Turqueville, en portant sur nos épaules le corps de notre camarade, de notre lieutenant mort.
Le lieutenant russe Koranin, du 139 e bataillon de l’Est, fit un jour avec sa compagnie de Tartares une découverte étonnante. Dans un navire de débarquement, il trouva près des corps de trois officiers américains des serviettes bourrées de documents. Le Russe s’empressa d’apporter les serviettes à son commandant et tous deux se rendirent chez le général Mareks, commandant le 8 f f e corps d’armée.
Le général eut vite fait d’apprécier l’importance inestimable de la trouvaille et appela aussitôt la VII e armée. On lui rit au nez ! Qu’est-ce qu’il racontait là ? Mareks furieux se jeta dans un fauteuil, et se plongea de nouveau dans les documents ; son aide de camp, lui non plus, n’eut pas une seconde d’hésitation : tout était parfaitement authentique. Les deux officiers alertèrent le Service de Sécurité qui crut à un rêve en dépouillant les papiers
Le commandant diz 84 e corps d’armée se mit alors en rapport avec le generaliéldmarschall von Rundstedt, et il l’avertit qu’il possédait les plans secrets des Alliés relatifs à l’invasion de la Normandie. C’était la preuve que le débarquement récent constituait bien le prélude de cette invasion que l’on attendait depuis quatre ans.
– Quelle sottise s’écria von Rundstedt en raccrochant le récepteur.
Le haut commandement resta intraitable. Les plans n’étaient qu’un piège grossier, tout comme ce débarquement ! Une simple feinte
– Relevez le général Mareks de son commandement, ordonna von Rundstedt à son chef d’état-major. C’est un rêveur et je n’ose lui laisser le commandement d’une armée !
Il fait nuit. Nous rejoignons la position de la cote 112 en suivant la route sur trois colonnes. Le brouillard qui traîne se déplace par longues bandes d’ouate, un vrai brouillard de mer du Nord, un brouillard glacé. La tête de la compagnie disparaît, avalée par ce brouillard tandis que Porta raconte une de ses interminables histoires de filles.
Le Vieux marche en serre-file, les jambes arquées, le dos voûté, sa vieille pipe à la bouche, son casque accroché au crochet de son fusil, le calot noir des soldats des chars plante au sommet de son crâne. Le Vieux, le chef de notre section, feldwebel Willy Bei er en hottes de fantassin bien trop grandes pour lui. Il ne ressemble pas du tout à un soldat mais c’est le meilleur chef de section qui soit ; il ne s’est pas rasé depuis plusieurs jours et le brouillard argente sa barbe.
Nous marchons au milieu de quelque chose qui, la semaine dernière, devait être un bois.
Maintenant ce sont des troncs déchiquetés, des voitures brûlées, des débris humains.
– Ça a du barder ! dit Petit-Frère.
– Mortiers lourds, répond Porta.
– Nouvelles grenades de mortiers, explique Heide, au courant de tout comme toujours. Ça volatilise votre uniforme et puis on brûle.
Partout des corps carbonisés. Dans un tronc d’arbre, un corps nu sans jambes ; Petit-Frère donne un coup de pied dans une tète encore casquée ; le légionnaire a un frisson.
– Ça fait tout de même quelque chose de voir sa caboche qui rigole sur la route !
– L’inventeur de ces machins-là a dû être cuistot, opine Martin Gregor. D’abord ça vous pèle, puis ça vous rôtit ; regardez celui-là !
– Vos gueules ! crie le Vieux.
Un grondement suivi d’une explosion… Instinctivement nous sommes à genoux.
– Prenez vos distances. Eteignez les cigarettes. Compagnie, attention ! Courez !
Uhij… Uhij… Une nappe de feu jaillit vers le ciel. Batteries Do. Batteries de roquettes à douze canons. Nous filons en colonne par un le long des murets de pierres sèches. Ceux du Do changent de position après chaque salve, leurs tracteurs filant à toute vitesse et traînant derrière eux les appareils lanceurs.
_ Plus vite ! Plus vite ! hurle le Vieux. Dans une seconde, c’est sur nous !
Il a raison, ça siffle déjà. Un mur de feu s’élève jusqu’au ciel. Des cris, des tués, des blessés. D’un trou, émerge un lieutenant d’artillerie, observateur de
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