Liquidez Paris !
chez nous, pas les armes.
Deux jours après, le médecin d’état-major se tirait une balle dans la tête ; la vérité avait été trop dure à supporter.
Alerte… ! Les voilà ! En masse, vêtus de kaki avec des casques plats. Ils sautent par-dessus les barbelés, nous arrosent de grenades, tirent de la hanche ; les baïonnettes brillent au bout des fusils, un feu roulant écrase tout devant eux. Il faut prendre la cote 112. Ordre du général Montgomery qui est furieux, qui veut Caen, et tout de suite, même si ça doit coûter toute la division écossaise. Il faut prendre la cote 112, la colline du Golgotha.
En tête, les Ecossais, derrière eux et sur leurs flancs, des blindés. Gregor Martin est à son mortier de 81 mm qui travaille comme une mitrailleuse. Gregor a perdu son casque, la sueur coule sur son visage noir de fumée en traçant des rigoles plus claires. Le commandant Hinka dont la manche vide flotte au vent a pris une mitrailleuse lourde et envoie des salves meurtrières contre les vagues des fantassins. Le commandant ne dit pas un mot ; sa bouche n’est qu’une fente serrée, son grand manteau de cuir gris perle est devenu rouge de boue ; un feldwebel infirmier l’assiste. Petit-Frère prépare deux grenades à la fois et chacune d’elles saute au moment où elle touche le sol. Aucune chance d’insuccès, Petit-Frère est un expert des grenades à main. Quant à moi, ma mitrailleuse s’enraie ; une balle traîtresse s’est mise en travers du chargeur. Ce sacré modèle 34 ! Toujours des pépins. J’arrache ma baïonnette de son fourreau et je frappe comme un sourd sur la balle.
– Mais non, crie Porta, pas comme ça !
Et en moins de deux, grâce à lui, la mitrailleuse est réparée. Mais pendant ce court laps de temps, l’ennemi s’est rapproché. Si joli à regarder ! Du mauve, du jaune, du vert, du rouge… mais si dangereux ! Ils hurlent des choses incompréhensibles, à se déchirer les cordes vocales et se prennent dans les barbelés comme des crucifiés. Encore d’autres kakis : Montgomery veut prendre Caen. Les équipages des blindés brûlent avec leurs engins ; une puanteur étouffante de chair grillée enveloppe la colline du Golgotha, mais Montgomery n’entend pas les cris des mourants. Il faut prendre Caen, qu’est-ce qu’on attend ?
Ils anéantissent la section voisine, se battent au couteau, à la baïonnette, à la crosse de fusil dans le boyau étroit de la tranchée où l’on ne peut guère passer à deux. Une boucherie. Si la section flanche, c’est notre tour.
– Liquidez ! commande Hinka.
Barcelona arrose tout sans distinguer amis ou ennemis, et les soldats en gris ou en kaki tombent sous les balles allemandes. Est-ce qu’il y a place pour du sentiment ? C’est la colline du Golgotha. Un abri hisse le drapeau blanc : une chemise de laine au bout d’un fusil. Nous voyons une escouade de Canadiens y pénétrer et en chasser les soldats en gris. On les aligne devant l’abri, les mains jointes derrière la nuque – un ordre bref, un sergent lève sa mitraillette et abat toute la file. On le voit donner des coups de pied aux silhouettes recroquevillées.
– Salaud ! crie le légionnaire. On va lui apprendre ce que c’est que la guerre !
Il fait un signe à Porta et à Petit-Frère. Court conciliabule. Porta arrache la chemise d’un mort, la fixe au bout d’un fusil et rampe dans le no man’s land, tout près des Canadiens terrés dans un trou de grenade. Le légionnaire et Petit-Frère suivent avec les lance-flammes, Porta agite la chemise.
– Yes comrades !
Le Canadien se dresse, un sourire de triomphe aux lèvres.
– Come on, corne on, on va s’occuper de vous. – Et il caresse sa Thomson MPI.
Le sang-froid de Porta impressionne tandis qu’il prépare sa grenade dans sa poche ; il avance lentement, et à quelques mètres du trou, se jette par terre et lance la grenade aux pieds du Canadien. A cet instant, le lance-flammes de Petit-Frère gicle sur le groupe ahuri. Le sergent hurle, les pistolets mitrailleurs aboient, tout le groupe est liquidé.
– Bien fait, murmure le légionnaire en regagnant la position.
Mais voici les chars… une formation serrée. Les Churchill et les Cromwell écrasent nos premières lignes. Ils approchent… La Pak tonne, mais certains de nos fantassins se débandent et fuient à toutes jambes sous les quolibets des Anglais qui suivent, courbés, les engins blindés.
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