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Liquidez Paris !

Liquidez Paris !

Titel: Liquidez Paris ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sven Hassel
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être bien pire.
    Jour J +1 = jour « d’après ». Le contact avec l’ennemi est rompu et les pertes sont effroyables. Pas un village qui ne soit rasé. Porta naturellement ne pense qu’à manger et il pourrait bouffer une vache sans qu’il y paraisse. Long, maigre, osseux, il bâfre ; long, maigre, osseux, il se redresse, rote vigoureusement, lève une jambe, émet un pet sonore, et rien qu’à nous voir manger pense qu’il a faim. Il a toujours faim et personne ne comprend pourquoi. Cette fois, il a eu plus de chance avec une rafle de conserves. Plus de graisse de fusil, mais du corned-beef d’Argentine. Un vrai festin ! On fait la cuisine dans les casques d’acier sur des tablettes d’alcool ramassées par Petit-Frère. C’est tellement plaisant, ce petit feu sous un casque d’acier, qu’on n’entend même plus les grenades.
    Voilà le commandant Hinka. Nous mangeons avec lui dans le même casque en allant jusqu’à lécher, la cuiller ; Porta remue le fricot avec une baïonnette et l’assaisonne de son petit sac de sel. Quant à Petit-Frère, il a trouvé une gourde de rhum dont nous arrosons le corned-beef. Un repas de rois !
    Je suis de garde près de la mitrailleuse, mais le brouillard qui semble surgir des cratères béants recouvre comme d’un linceul le paysage ravagé. Des balles traçantes et des roquettes sillonnent le ciel noir. Mes camarades dorment, roulés en boule comme des chiots. Je suis seul, je gèle, le crachin tombe, le vent se lève… Je m’enveloppe de mon manteau en remontant le grand col russe, et je fourre mes oreilles sous le bord du casque, mais l’eau me coule tout de même dans le dos. Voyons le chargeur. La bande marche-t-elle bien ? Les balles sont-elles dans l’ordre voulu ? Il y va de notre vie si, au cours d’une attaque, elles se coincent. De l’autre côté résonnent des cliquetis d’acier… Est-ce qu’ils préparent quelque chose ? J’essaie de me reprendre mais la tête me tourne… Oh ! Un pissenlit jaune ! La seule fleur qui existe sans doute à des kilomètres à la ronde. Vous voyez, même une fleur arrive à s’en tirer. A quoi ressemblait ce pays avant la guerre ? Une immense prairie sans doute, et jolie, ponctuée de vaches. Mais plus rien n’est joli maintenant et les habitants reviendront-ils jamais ? Pauvre France !
    Au nord, l’artillerie tonne. Le ciel s’embrase rouge sang. C’est du côté de la plage Ohama, celle où débarquent les Américains et ça tape dur. Vers le sud, ce sont des batteries Do et je suis du regard le trajet flamboyant des horribles roquettes ; là où elles tombent, plus rien de vivant ne subsiste. Porta parle en dormant, il rêve de nourriture naturellement ; le légionnaire se lève, s’isole dans un coin de l’abri en ruine. Bruit d’eau. Après quoi, il se recouche bien au chaud, entre Gregor et Petit-Frère qui se fâche tout ensommeillé. Gregor ronfle.
    Moi je rêve. Je suis près de la chaufferie d’un remorqueur et j’ai quinze ans. Voici les rues trempées de Copenhague. C’était au cours d’une nuit comme celle-ci qu’ils ont pris Alex. Ils nous avaient assaillis tout à coup ces quatre salopards – des spécialistes de la chasse aux jeunes chômeurs qui recherchaient indûment un peu de chaleur près des remorqueurs. Moi, je flanquai un bon coup de pied dans l’entrejambe d’un des types, et puis, tous les deux, nous rejoignîmes gaiement la Havnegade en nous disant que nous détestions la police.
    Mais le soir suivant, j’attendis en vain mon ami devant les cuisines du restaurant Wivel, près de la gare. Un cuisinier hautain distribuait aux clochards gris les restes des tables surabondantes. Alex ne vint pas. Je ne l’ai plus jamais revu. Ils l’avaient poissé au cours d’une rafle en même temps qu’une bête de Suédois (qu’est-ce qu’il venait faire à Copenhague celui-là ?), et on l’envoya au Jutland dans une maison de redressement. Il se sauva plusieurs fois, et puis un jour, il eut sa photo dans le journal, en belle chemise blanche à col ouvert. On pouvait voir briller ses cheveux jaunes. Ce fut le jour où il se noya sur le remorqueur Odin qui alla par le fond, et je crois bien que ce jour-là,  j’ai pleuré. Alex était mon ami de toujours, nous avions fait toutes nos classes ensemble depuis nos culottes courtes à l’école de Nyboder.
    Je caresse la mitrailleuse qui est là, menaçante ; je tâte le long ruban des balles. Il n’y a

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