Liquidez Paris !
en contemplation devant l’immense carcasse.
– Jésus Marie ! s’écrie-t-elle en nous apercevant. Monsieur… Monsieur… ayez pitié de moi ! Mon mari a déserté pendant la première guerre ! Il n’a jamais tiré sur un Allemand. Nous sommes de vrais Français !
Porta se montre menaçant, agite un index vengeur et la femme devient livide. Il hurle, pensant que plus il hurle plus elle comprend son étrange sabir.
– Tu sais, madame, moi chef ! Cochon mon ami. Compris ? Sinon morte tout de suite ! – Et il se met à tourner en rond en feignant de tirer à la mitraillette.
Le légionnaire se tient les côtes :
– Où as-tu appris le français ?
– Tout seul, répond fièrement Porta. Les invasions germaniques ne permettent pas d’ignorer les langues.
La vieille sanglotait.
– File ! termina Porta, mais toi morte si tu parles.
La femme se préparait à détaler lorsque deux jeunes types sortirent subitement de l’ombre ; deux types qui avaient les mains dans leurs poches, signe des temps. Le pouce de Porta était déjà sur la sûreté de son revolver et Petit-Frère saisissait un fil d’acier qui ne le quittait jamais.
– Bonsoir, messieurs, dit le légionnaire en souriant. Où allez-vous ?
– Prendre l’air. C’est défendu ?
– Pendant le couvre-feu, oui.
Un bruit de bottes… des pas solides et cloutés. L’acier cliquette… Des chasseurs d’hommes dans les rues désertes. Nous nous tassons dans la porte sombre. Si on nous trouve ici avec notre gibier, il n’y a pas le choix : ce seront les chiens de garde ou nous. Le légionnaire presse la crosse de son arme sous son bras et enverra sans hésiter ses trente-deux balles dans le ventre du premier qui se montre.
Huit hommes. Des casques brillants, des plaques sinistres, la mitraillette sous le bras prête à tirer. En tête, un Oberfeldwebel, un de ceux qui dorment mal si la ronde de nuit n’a pas rapporté au moins deux cadavres. La patrouille passe, tandis que Porta caresse le cou du cochon.
– Ils sont après du gros gibier, dit-il paisiblement.
Le légionnaire se tourna vers les deux civils et remarqua leurs P 38, des revolvers de l’armée allemande.
– Vos feux ? dit-il menaçant. Vous les avez achetés dans un magasin de jouets ?
– Nous les avons trouvés.
– Bien entendu. Etes sûrs que ce n’est pas le Père Noël qui vous les a apportés ? C’est tellement à la mode en ce moment.
_ On t’emmerde ! Probable que tu ne désires pas te réveiller à la Gestapo ? On a bien vu vos gueules quand la patrouille est passée.
Le légionnaire frappa le type du dos de sa main.
– Ami, si tu prends ce ton-là, tu n’en as pas pour longtemps.
– J’y vais, gronde Petit-Frère en agitant son nœud coulant. Justement je commençais à perdre la main.
– Expédie ces salauds, commanda Gunther et filons. Ça suffit.
Le deuxième civil qui n’avait pas ouvert la bouche s’avança à son tour.
– Ne vous fâchez pas camarades, nous sommes tous logés à la même enseigne.
Il parle allemand, et avec l’accent dé Hambourg !
– Ce que vous faites est dangereux, ça peut vous coûter la tête ; la nôtre ne tient pas mieux sur nos épaules. J’ai déserté, je m’appelle Cari,, lui Fernand, et c’est tout à fait par hasard que nous vous avons rencontrés.
– Déserteur ! – Le légionnaire a un mauvais sourire.
– Un déserteur avec un type de la Résistance ! dit Heide qui s’avance, sa mitraillette braquée. Ordure ! Nos quatre copains de l’autre jour ont été descendus avec un P 38. Je hais les déserteurs ! Sales lâches !
– Nous n’avons pas tiré sur les vôtres, je le jure. Moi j’ai une fille par ici, et j’en avais par-dessus la tête de crier « Heil » !
Le légionnaire haussa les épaules.
– Si on vous laisse filer, quelle garantie que vous n’appellerez pas les chiens de garde ?
– Tu veux rire, dit le type. Risquer ma peau pour un cochon ? Je m’en fous, mais faites attention à la vieille ; quand elle n’aura plus peur, elle va bavarder et Paris grouille d’espions. La vie d’un homme ne vaut pas un sou, vous auriez dû la tuer.
La vieille se défilait en rasant les murs.
– Attends un peu ! cria le légionnaire. On commence à avoir de la sympathie pour toi.
– C’est la concierge, elle n’a rien à faire dehors. La cancanière la plus éhontée du quartier. Y a longtemps qu’on pense à la
Weitere Kostenlose Bücher