Liquidez Paris !
premier apparut à la fenêtre et se balança avec précaution dans le vide. Le coup partit. L’homme fit un saut périlleux et s’écrasa au-dessous sur l’asphalte ; puis ce fut le tour du second : il fixait la nuit, et se mit à descendre comme un chat le long de la gouttière. Un coup de feu claqua encore. Le corps tomba comme une pierre sans l’élégance du premier. Le troisième sauta par la fenêtre, la tête la première et on l’entendit crier pendant sa chute qui fit un bruit mou sur le trottoir.
L’incendie prenait bien. De toutes les fenêtres sortaient des flammes, sauf en haut, de deux ouvertures encore intactes. Plusieurs hommes y apparurent. Deux sautèrent en même temps, tandis que crachotaient les mitraillettes. Nous quittâmes notre cachette sans attendre la fin de cette exécution due naturellement à la Gestapo : un repaire de maquisards qui avaient tué quatorze hommes du S. D. Pendant ce temps-là, le chauffeur et le garde de la grosse voiture de la police allemande étaient égorgés sur leurs sièges. Cette scène se passait à Paris, une nuit d’août 1944.
VOYAGE NOCTURNE A TRAVERS PARIS
I l faisait une nuit quasiment d’encre et nous eûmes bien du mal à trouver notre chemin. Tout le monde se chamaillait sur la route à suivre. Porta, excédé prit les devants en nous traitant naturellement de culs à ne pas fréquenter.
La commune de Malakoff semblait morte ; deux chats en chaleur qui paraissaient les seuls êtres vivants traversèrent la rue, queue dressée, avec une dignité confondante, et deux feldgendarmes à bicyclette passèrent en nous regardant méchamment ce qui provoqua un grondement de la part de Petit-Frère.
– Tiens-toi tranquille ! ordonna le Vieux.
Petit-Frère lança aux gendarmes un regard meurtrier.
– Si ces deux connards reviennent, je les descends.
Nous rattrapâmes Porta au coin de la rue Bérenger et de la rue du Nord.
– Tu sais où c’est, oui ou non ? demanda Gregor avec humeur. On a visité toutes les portes, ça se ressemble comme deux gouttes d’eau. Je pense tout de même que tu sais où perche cet imbécile ?
Porta s’arrêta et jeta un coup d’œil circulaire.
– C’est pas loin. Nous sommes venus par cette rue-là. Ils ont fusillé un type là-bas, je reconnais le bistrot. Va donc repérer s’il n’y a pas des traces de balles sur le muri Si c’est pas une crétinerie tout ce noir ! Comme si les Amerloques ne savaient pas où se trouve Paris ! Depuis le temps qu’elle est là cette bourgade, pour la cacher c’est plutôt difficile !
– Y a dés quantités de traces de balles ! cria Gregor de l’autre côté de la rue.
Porta se mit à réfléchir ; il sortit sa vieille boîte à priser et, tel un aristocrate du xviii® siècle, prit gravement une prise de tabac.
– Assez de ces bêtises, gronda le Vieux. Moi je commence à en avoir marre.
Porta le regarda à travers son monocle fêlé.
– My lord, personne ne vous retient. Pour autant que je le sache vous n’avez pas été invité.
– Allez tous au diable ! dit le Vieux furieux.
Porta disparut sous une porte basse.
– Je pèle de peur, chuchota Barcelona. Si seulement je n’étais pas venu ! Faut toujours qu’on se mêle de quelque chose d’imbécile.
On entendit des talons hauts claquer sur le trottoir. Porta mit un doigt sur ses lèvres, nettoya son monocle, et courut vers la rue.
– Je reviens ! Simple coup d’œil sur les femelles de l’endroit.
– Ce coureur de jupons, grogna le Vieux comme Porta revenait tout content.
– La retrouve demain devant le cinéma place Clichy.
Il ferma le poing et raidit son avant-bras, geste bien connu du monde entier.
– Elle n’aurait pas une copine ? demanda Petit-Frère d’un air gourmand. C’est fameux les Parisiennes.
Le Vieux et Heide s’étaient assis sur une voiture à bras.
– Alors ça vient ? soupirèrent-ils.
– Oui, messieurs, dit Porta. C’est ce que disait le vieux père Moltke avant une opération d’envergure. Donc la situation est la suivante : l’avant-garde du groupe de combat Porta est en contact avec l’ennemi. Nous avons assuré nos arrières et nos flancs. Moi… – il se désigna – j’ai vaincu la cavalerie légère pendant une courte reconnaissance, alors en avant ! La garde est en déroute !
Il sortit une torche de sa poche, pressa son nez contre la vitre d’un appentis et nous montra quelque chose.
– C’est pas
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