L'oeil de Dieu
l’évasion de Sparrow ne se sache. Tout le monde croyait qu’il avait été ramené dans sa cellule. On s’est aperçu de sa disparition lors de la distribution de nourriture.
Webster eut un soupir las.
— Nous avons fait un rapport au shérif ; un mandat d’arrêt a été lancé contre Sparrow, mais à l’heure qu’il est, il se trouve peut-être au pays de Galles ou en Écosse, à moins qu’il n’ait traversé la Manche ou la mer d’Irlande.
Kathryn regarda Colum. Partageait-il ses soupçons ? Sparrow avait-il réussi à obtenir des confidences de Brandon ? S’était-il enfui après lui avoir fait certaines promesses au sujet de l’OEil de Dieu ?
— Combien de temps s’est-il écoulé entre cette évasion et la fièvre de Brandon ?
— Oh, cinq jours seulement, répondit le chapelain.
Au début, je n’ai pas pris la maladie du prisonnier au sérieux, mais la fièvre a empiré, troublant les humeurs du corps. J’ai administré les remèdes que je connaissais, hélas, l’homme est mort. Je lui ai donné les derniers sacrements et je l’ai oint avec les saintes huiles. J’ai chanté une messe à la chapelle du château, puis nous avons enterré le pauvre Brandon avec les autres prisonniers défunts, dans le vieux cimetière.
— Depuis, on n’a pas retrouvé trace de Sparrow ? demanda brusquement Colum.
Webster secoua la tête.
— Non.
Quelque part, sur les hauts murs du château, une sentinelle en appela une autre ; une cloche se fit entendre, signalant à la garnison de se rassembler pour la prière du soir avant le souper dans la grande salle. Autour de la table, les hommes montraient maintenant des signes d’impatience. Webster fixait avec insistance la flamme de la bougie des heures : elle attaquait un cercle rouge, indiquant qu’une nouvelle heure commençait.
— Y a-t-il d’autres questions ? murmura-t-il.
Colum se mit debout.
— Etes-vous certains, vous tous ici présents, de votre fidélité au roi ? Etes-vous sûrs aussi que Brandon n’a jamais parlé du pendentif ni de l’OEil de Dieu ?
Tous le jurèrent. Colum s’étira et regarda Webster.
— Brandon n’a rien dit d’autre ?
Le gouverneur secoua la tête, mais Kathryn ne comprenait pas pourquoi il paraissait si nerveux.
Colum fixa le prêtre.
— Vous avez dit, mon père, avoir oint Brandon des saintes huiles et avoir refermé le cercueil ?
— C’est ce que j’ai fait, oui.
Kathryn intervint.
— Je sais que vous êtes tenu par le secret, mais vous avez certainement confessé le prisonnier ?
Le chapelain hocha la tête, et Kathryn insista :
— Peut-être vous a-t-il parlé du pendentif en confession ?
Cette fois, le prêtre se contenta de la regarder fixement sans desserrer les lèvres. Il ne dirait rien.
— Très bien, dit-elle, changeant de tactique. Qui a soigné Brandon quand il avait la fièvre ?
— Ma fille, répondit sèchement Gabele. Parfois le père Peter aussi. Pourquoi cette question ?
Kathryn ouvrit de grands yeux faussement innocents.
— Vous qui êtes soldat, Maître Gabele, vous connaissez bien la fièvre des camps. Les hommes qui en sont atteints parlent parfois dans leur délire.
— Brandon ne l’a pas fait, rétorqua Gabele, et il n’a jamais déliré. Sous l’effet de la fièvre, il perdait simplement ses forces, avait chaud et transpirait.
Le soldat se tourna vers le gouverneur.
— Sir William, d’autres affaires nous attendent. Avez-vous encore des questions, Maître Murtagh ?
— Non, mais peut-être pourrions-nous visiter la cellule de Brandon et celle de Sparrow. Ah ! j’y pense, que sont devenus les effets personnels de Brandon ?
— Nous les gardons dans un sac scellé, dans la resserre du château.
— Nous aimerions les voir, dit Colum. Une dernière question : qui se trouvait au château au moment de la mort du prisonnier ?
Le gouverneur haussa les épaules.
— Une garnison réduite, des servantes et des garçons d’écurie.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Qui a approché le prisonnier quand il était à l’agonie ?
— Ma fille Margotta, je l’ai déjà dit, répliqua Gabele. Ah oui, et puis aussi le Vertueux.
— Qui est-ce ? s’étonna Colum.
— C’est un homme qui s’est surnommé ainsi, un pardonneur bardé de reliques et d’indulgences qu’il a récoltées dans toute la Chrétienté, un bien singulier personnage, en vérité.
— Je l’ai autorisé à loger ici,
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