L'oeil de Dieu
c’est que tous soient morts : ces quatre dans le souterrain, Moresby que l’on a trouvé dans un fossé, et Brandon qui a été assassiné au château de Cantorbéry.
— Ils ont été assassinés, reprit Kathryn. Quatre hommes robustes ne seraient pas restés dans ce caveau à attendre la mort sans chercher à s’y soustraire.
— Pour moi, on les a enfermés dans ce caveau soit pour les dissimuler à des gens qui les recherchaient, soit pour qu’ils ne risquent pas de s’enfuir avec le joyau. On leur aura promis de venir les délivrer, puis on a replacé la pierre tombale. Vous avez vu combien il était difficile de la soulever. Une fois rabattue, il était impossible de la pousser de l’intérieur.
Kathryn haussa les épaules.
— On a déjà vu des morts semblables, dont certaines d’enfants, dans des villages abandonnés autour de Cantorbéry.
Elle se tut car Thomasina leur servait du vin, du pain, des tranches de fromage et des morceaux de jambon séché. Kathryn avala un peu de vin coupé d’eau, prenant garde de ne pas trop boire sous peine d’imiter Agnes et de s’endormir sur la table.
Distraitement, elle tira sur la cordelette qui retenait sa robe à la taille.
— Nous pouvons cependant faire l’hypothèse que Brandon s’est échappé, dit-elle alors. Ceux qui ont été abandonnés dans le caveau gardaient l’OEil de Dieu comme une forme d’assurance qu’il reviendrait les chercher.
— Mais pourquoi n’en a-t-il rien fait ? demanda Colum. Ou peut-être était-ce Moresby qui était censé revenir ?
Kathryn se mordilla la lèvre.
— Non, c’était Brandon, dit-elle. Il connaissait la phrase : Levate oculos ad montes, qui indiquait l’endroit où étaient cachés l’OEil de Dieu et ses compagnons. Seulement, il a été capturé et n’a pas pu revenir au village abandonné. Sans doute comptait-il le faire quand il aurait été gracié et relâché. Entre-temps, il a été mystérieusement assassiné.
— Dans ce cas, soupira Colum, que fait-on, maintenant ?
Kathryn regarda Thomasina, qui s’agitait dans la cuisine, heureuse d’être loin du caveau macabre et du village abandonné.
— Beaucoup de choses me troublent, reprit la jeune femme. D’abord, qu’a fait Moresby ?
Elle s’humecta les lèvres.
— Moresby et Brandon ont-ils tous les deux abandonné ces hommes dans le caveau ? Brandon aurait-il tué Moresby avant de se faire capturer exprès en espérant qu’il serait gracié et qu’une fois libéré il retournerait chercher l’OEil de Dieu ? Dans ce cas, Brandon était un tueur sans scrupule, et il mérite de brûler en Enfer.
— Mais Moresby se serait-il laissé abattre si facilement ? demanda Colum. Et nous oublions certains éléments. D’abord, ce corps que l’on a trouvé dans un fossé. Quelles preuves a-t-on qu’il s’agit de celui de Moresby ? Ensuite, nous avons trouvé des indices du passage de la petite troupe de Brandon dans ce village abandonné, mais nous avons vu que deux cavaliers s’étaient rendus sur les lieux, à deux moments différents. Qui étaient-ils ?
Colum soupira en secouant la tête.
— On peut faire l’hypothèse, Kathryn, que quelqu’un d’autre a suivi Moresby, Brandon et leurs amis après la bataille de Barnet.
— Pourquoi pas ? répliqua la jeune femme en prenant un morceau de fromage.
Elle regarda fixement la table, et, quand elle releva les yeux, Colum sommeillait à moitié, la main sur sa coupe de vin.
— Allons, dit-elle doucement, il est temps que nous allions dormir. Tout peut attendre.
Colum écarquilla les yeux en se frottant le visage.
— Au moins nous avons récupéré l’OEil de Dieu, marmonna-t-il.
Il se mit debout et effleura gentiment les cheveux de Kathryn, puis il lança un baiser à Thomasina et disparut en titubant un peu dans l’escalier, assurant que, si Dieu le voulait bien, demain matin, il serait frais et dispos, et pourrait mieux réfléchir à la situation.
Kathryn aida un moment Thomasina dans la cuisine puis passa dans son cabinet d’écriture. Elle sortit un morceau de vélin ainsi qu’une plume et consigna par écrit ce qu’ils avaient découvert. Cela fait, elle s’appuya au dossier de son siège et sommeilla un moment avant de se lever pour retourner à la cuisine boire un peu d’eau. Elle tirait toujours distraitement sur la cordelière retenant sa robe à la taille, et mordillait le petit gland doré accroché à son extrémité. La
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