L'Ombre du Prince
nouveau et reçut le jeune
homme contre son buste dur. Puis, se tapant mutuellement le dos, ils s’écartèrent.
— Je veux que tu me rapportes des
remèdes. Ceux de l’armée sont insuffisants. Je vais te faire une liste et tu la
remettras à Keptah. Il me faut des narcotiques, des antiseptiques, des
anesthésiques, des huiles pour préparer mes onguents, des graines pour composer
mes poudres. Ici, à l’exception des extraits de pavot, ils n’ont rien d’autre.
Les médecins de l’armée ne guérissent pas, ils calment les douleurs et l’opium
est la seule chose qu’ils connaissent.
Djenani riait tant il était heureux de voir
son ami rester.
— Je vais te rapporter tout ça et
peut-être plus encore.
— Keptah saura quoi te fournir. Il te
préparera les petits outils chirurgicaux indispensables. Je veux pouvoir sortir
la pointe d’une flèche enfoncée dans les chairs sans que le blessé ne meure
aussitôt.
Il grogna, toussa.
— Je veux réparer un genou cassé, une
cheville démise, une épaule retournée. Je veux retirer le poignard planté dans
les côtes d’un soldat sans provoquer l’hémorragie mortelle. Comprends-tu tout
cela ?
Djenani acquiesça.
— Dis à Séchât que chaque nuit, je
regarderai l’étoile de Solthis et qu’à ce moment-là, je penserai à elle.
*
* *
— Ce sera un fils !
Mérytrê passa sa main sur son ventre arrondi.
Pourquoi Satiah préférait-elle ignorer sa propre taille trop tendue et ses
seins plus gonflés qu’à l’habitude ?
— Il s’appellera comme son aïeul déjà
bien lointain, Aménophis. Le deuxième ! assura Mérytrê.
— Et si c’est une fille ? rétorqua
Satiah d’un ton ironique.
Mérytrê lui lança un regard sombre.
— C’est impossible, j’ai consulté un
astrologue.
— Tu as vu Nakht ?
— Oui, affirma Mérytrê, convaincue.
— Et il t’a dit que tu aurais un fils ?
— Oui.
Satiah hocha la tête, dubitative. Un grand frisson
la parcourut. Et si les rôles étaient inversés ? Dans ses bras, Mérytrê
bercerait une fille et dans les siens, Satiah sourirait à son fils…
La jeune fille n’avait rien dit. Sauf à Keptah
depuis qu’il était devenu son ami, son confident.
Depuis qu’elle préparait elle-même les
onguents qui calmaient, apaisaient, guérissaient.
Mérytrê bavardait plus joyeusement qu’à l’ordinaire.
L’idée d’être mère lui plaisait. Elle le disait à qui voulait bien l’entendre,
répétant sans cesse qu’il faudrait les meilleures nourrices à l’enfant et que,
dès sa naissance, elle le montrerait au peuple afin qu’il sache qu’un jour, il
aurait le plus vaillant des pharaons.
Satiah n’écoutait plus le bavardage puéril de
sa compagne et se mit à penser à son propre cas. Cet enfant-là avait été conçu
le jour où Thoutmosis et elle avaient découvert le corps étendu du Grand Prêtre
Hapouseneb. Ils avaient déposé Rekmirê à l’hôpital pour qu’il rentre avec son
père. Puis, ils étaient partis s’aimer dans les bosquets de papyrus où un lit
de tendre feuillage les avaient accueillis avec douceur.
Thoutmosis avait promis de l’épouser dès son
retour. C’était inscrit depuis qu’ils étaient nés l’un et l’autre. Il fallait
une Seconde Épouse au futur pharaon et personne ne trouverait à redire en la
personne de Satiah.
Keptah qui partageait son secret n’avait
certes pas ébruité la chose. La jeune fille en parlerait à sa mère lorsque son
ventre commencerait à s’arrondir. Peut-être que ce jour-là, Neb-Amon serait
revenu. Séchât était si triste depuis sa disparition qu’elle ne pouvait l’ennuyer
avec ses propres problèmes. Satiah se préparait à devenir Seconde Épouse avec
les joies, les souffrances et les conflits qu’une telle situation engendrerait.
Une Seconde Épouse doit se tenir à l’ombre du
palais, même si Pharaon lui destine les meilleurs instants de son existence.
Une Seconde Épouse ne peut s’élever vraiment que si les dieux lui donnent un
fils. Alors, la lumière se fait en elle et elle peut entrevoir une vie
acceptable.
Elle frissonna à nouveau.
— Majesté, fit la jeune servante, voici
les princesses.
— Qu’elles entrent, lâcha Mérytrê d’une
voix fluette.
Les trois jeunes filles se tenaient là devant
elle et la jeune reine soupira d’aise. À présent, c’est elle qui dirigeait le
harem de son époux. Les trois Syriennes dont les mères respectives avaient
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