L'Ombre du Prince
été,
autrefois, ramenées du Mitanni pour conclure des marchés pacifiques entre l’Égypte
et la Syrie devenaient de vraies beautés.
Elles s’inclinèrent bas devant la jeune reine
et eurent un regard en coulisse pour Satiah.
— Relevez-vous, fit Mérytrê en poussant
son ventre en avant pour mettre en évidence sa future maternité.
Menwi, la plus âgée venait d’avoir dix-huit
ans. Brune, élancée, les yeux verts et les pommettes saillantes, le pas souple
et le geste onctueux, elle détaillait la reine sans rien dire.
— Majesté, fit Merti, la plus petite, en
s’agenouillant aux pieds de Mérytrê, je suis heureuse que vous attendiez un
enfant. Vous rappelez-vous lorsque nous nous amusions à trouver des noms, jolis
comme des pétales de nénuphars ou des rameaux de papyrus ?
— Je m’en souviens, eh bien celui-ci se
nommera Aménophis tout simplement. C’est un grand nom qui régnera un jour sur
les Deux Égyptes.
— Majesté, votre époux ne régnera-t-il
pas un jour ?
— Bien sûr que si, fit-elle d’un ton sec.
Dès que Thoutmosis sera de retour et que le pays aura fêté sa gloire et sa
puissance, il sera sacré pharaon.
Satiah réprima l’ironie de son sourire. Voilà
les seuls instants où sa compagne Mérytrê régnait en toute-puissance. Devant
les femmes du harem ou les servantes qui papillonnaient autour d’elle. Elles
étaient d’ailleurs de plus en plus nombreuses, car depuis qu’elle était
enceinte, elle recrutait une nouvelle servante pour chacune des menues
activités qu’elle accomplissait tout au long de la journée.
Satiah se retourna vers Menhet, la seule qui,
à son avis, méritait quelques regards intéressés. Menhet était grande, mince,
souple. Dans ses yeux noirs passait une grande fierté, celle qui resurgissait
de ses ancêtres syriens auxquels sa mère n’avait jamais cessé de penser.
Menhet rêvait qu’un jour, elle retournerait
dans son pays pour épouser un chef d’armée, un soldat de son sang, un homme qui
plante en elle le germe d’un petit homme qui se battrait pour son pays.
Pourquoi Satiah sentait-elle en Menhet une
force de caractère proche de la sienne ? Sa jalousie était-elle
stupidement en cause ? Jamais Menhet n’irait geindre, jamais elle n’irait
réclamer la présence du pharaon sur sa couche, puisqu’elle ne voulait pas de
lui.
Satiah ferma les yeux. Elle savait comment les
choses se passaient au harem. Menwi, Merti et les autres se plaindraient un
jour de l’absence trop longue du pharaon dans leur lit et Mérytrê, la Grande Épouse
Royale laisserait tomber de ses lèvres indifférentes : « Que le
pharaon prenne son plaisir avec ses concubines, il doit accomplir son devoir. »
Menhet l’observait sans rien dire. Satiah lui
prit la main.
— Tu es de plus en plus belle.
La jeune Syrienne la remercia du regard, et
Satiah décida que, plus tard, elle demanderait à Thoutmosis qu’elle reparte
dans son pays. Cette fille n’était pas faite pour vivre dans un harem. Il y
avait suffisamment de femmes destinées au plaisir du roi pour que le palais se
passe de celle-ci.
— Comment fais-tu pour avoir de si beaux
cheveux rouges ? fit Mérytrê en touchant les tresses serrées de la
Syrienne.
— C’est du henné qui vient de mon pays,
fit Menhet.
— Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?
Ce henné me paraît être d’une extraordinaire qualité. Est-ce le même que tu as
passé sur tes lèvres ?
Satiah soupira. Elle sut qu’elle n’entrerait
pas dans la conversation futile des jeunes femmes. Elle s’allongea sur l’épaisseur
moelleuse des coussins pour aborder tranquillement les contours de ses rêves et
de ses espoirs.
*
* *
Séchât entra le pas pesant dans la classe où
attendaient ses élèves. Depuis la disparition de Neb-Amon qu’elle ne s’expliquait
toujours pas, elle n’avait plus l’esprit à la découverte d’éléments nouveaux
qui pouvaient éveiller les dons de ses élèves. Elle enseignait avec des gestes,
des mots, atones et répétitifs. Par ailleurs Satiah, qui l’avait quittée depuis
le départ des armées de Thoutmosis pour apprendre à préparer des remèdes à l’hôpital,
semblait partager l’amitié de Keptah.
Pour Séchât, la présence permanente de sa
fille aurait certes amoindri sa douleur. Mais, depuis son retour du Pays du
Pount, Satiah était encore moins proche de sa mère.
Elle regarda le visage de son fils qui
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