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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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le soleil levât son premier rayon.
    Pour éviter toute rencontre nocturne qui eût
infailliblement brisé leur plan, elles passèrent par l’arrière de la maison là
où les potagers leur firent découvrir des ombres incroyablement étonnantes. Les
concombres et les courgettes s’étalaient en ligne comme de grands serpents d’une
affreuse noirceur et les oignons sortaient de terre comme de vilains petits
monstres aux yeux blancs et inquisiteurs.
    Quant aux melons, ils semblaient rouler d’énormes
carcasses brunâtres qui n’avaient rien de commun avec la délicate couleur
orangée qu’ils offraient en plein jour.
    En passant entre les rangées légumières qu’un
jardinier zélé avait tracées avec art, Cachou eut un sursaut, puis surmontant
sa peur des ombres fantasques et mouvantes, elle arracha deux concombres et
trois oignons qu’elle enferma dans la sacoche que portait sa mule. Quelques
provisions de plus pour la route ne leur nuiraient pas.
    Satiah se retourna. Les ombres la narguaient.
Dieu d’Amon ! Que faisait-elle ? Où allait-elle ainsi à l’aventure ?
Elle prit le temps d’observer une dernière fois la maison qui, à présent, se
détachait au loin. Le chemin à travers le potager qu’elles suivaient les aidait
considérablement. Aucun serviteur ne pouvait les voir.
    Elle serra et tira la bride de sa mule qui
piétinait alertement les belles et odorantes plates-bandes du potager.
Assurément, c’était là un vrai carnage. Qu’allait dire le jardinier en voyant
son travail ainsi saccagé ? Lui qui était si précautionneux, si attentif à
la pousse de ses légumes !
    Impuissante devant cet incident, elle soupira
et entraîna sa mule sur le chemin extérieur qui commençait à se dessiner. La
voie était libre. Le Nil présentait ses berges sous le meilleur aspect,
éclairées par la luminosité d’une lune généreuse. Il n’y avait plus qu’à les
suivre jusqu’au village prochain. Les gigantesques ombres avaient disparu pour
faire place à un ciel criblé d’étoiles. Elles enfourchèrent leur mule et
décidèrent d’avancer jusqu’à la moitié du jour suivant, là où l’heure est au
zénith, quand il fait bon se reposer à l’ombre d’un vieux sycomore.
    La route jusqu’à Memphis était longue et
Satiah savait qu’il lui faudrait monnayer nourriture et gîte. Elle avait donc
dissimulé quelques débens d’or soigneusement cousus dans ses vêtements et
entouré ses poignets et ses chevilles de petits cercles d’argent, faciles à
échanger pour le menu quotidien qu’elles devraient assumer.
    Jusqu’à la tombée du jour suivant, les deux
mules trottèrent à vive allure et les fugitives se retrouvèrent aux portes d’Abydos
avant même d’être lasses. Leur seule inquiétude venait de la petite gourde d’eau
qui se vidait trop vite. Satiah n’avait pas prévu le danger de la soif qu’affrontait
tout voyageur. Elles avaient bu à grandes gorgées au lieu d’utiliser leur eau
par doses réduites.
    — Où allons-nous coucher ? fit
Cachou vaguement inquiète.
    — Nous allons demander asile au temple.
Regarde, il se tient là-bas, derrière la barrière des grands acacias que nous
cache l’horizon qui tombe. C’est celui de Séthi I er . Ma mère m’en
a beaucoup parlé. Elle s’y est arrêtée autrefois.
    Au nom de sa mère, Satiah eut un frisson et
une larme perla à sa paupière. N’avait-elle pas été trop impulsive dans sa
décision ? Il était encore temps de rebrousser chemin. Satiah soupira. Non !
Elle irait jusqu’au bout du choix qu’elle s’était imposé. Certes, sa mère
allait se sentir seule et délaissée sans sa fille, d’autant plus qu’elle se
tourmentait depuis la disparition de Neb-Amon retrouvé depuis peu, mais pour
qui elle tremblait encore.
    — Tu vois, Cachou, fit Satiah pour se
donner du courage, c’est là qu’autrefois les rois Thinites de l’Ancien Empire
vivaient et construisaient leurs nécropoles.
    — Je ne les vois pas, fit Cachou en
posant sur son front sa main en visière pour isoler l’horizon des stries orangées
que le soleil couchant laissait traîner sur toute leur longueur.
    — Regarde plus loin, Cachou. Le piémont
rocailleux s’étend devant la falaise de l’Occident. Le temple se tient derrière
la barrière des sycomores et les nécropoles sont installées tout au long de la
roche.
    Elles firent avancer leurs mules en direction
du rocher qui s’élevait en larges colonnes arrondies

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