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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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craintes. Peu lui
importait que la Grande Nourrice Royale vînt d’être empoisonnée à la place de
la pharaonne et que l’agitation de la chambre soit décuplée par les cris des
pleureuses que l’on entendait plus loin dans les couloirs du palais.
    À présent qu’elle allait enfanter d’un futur
pharaon, pourquoi se soucierait-elle qu’une partie de l’Égypte se méfiât de l’autre ?
Pourquoi s’inférioriser, se culpabiliser pour des qualités qu’elle n’avait pas
et que Thoutmosis trouvait en Satiah, alors qu’elle tiendrait bientôt l’alibi
le plus indestructible qui soit ?
    Elles se mesurèrent encore du regard et Mérytrê
sentit une fièvre la parcourir alors qu’on lui criait de pousser. Satiah perçut
elle aussi une onde étrange la pénétrer. En une brève seconde, seul compta l’amour
qu’elles avaient l’une et l’autre pour un jeune prince qui allait bientôt rentrer
à Thèbes.
    L’instant suivant, Mérytrê avait repris l’arrogance
de son sourire envers sa compagne, mais celle-ci s’écarta sans plus se soucier
d’elle pour s’approcher de sa mère qui discutait à voix basse avec Baki.
    — Maman, murmura-t-elle, en se penchant
discrètement sur Séchât, j’ai quelque chose à te dire.
    Surprise, Séchât regarda sa fille.
    — Est-ce bien le moment, Satiah ?
    — Je ne sais pas si c’est l’instant
adéquat, chuchota encore la jeune fille à l’oreille de sa mère, mais c’est
celui-là que j’ai choisi pour t’en parler.
    — Est-ce long ?
    — Non.
    Séchât se tourna vers elle et observa les yeux
calmes et tranquilles de sa fille. Confiantes, les prunelles de Satiah ne
dénotaient aucune angoisse, mais elles étaient piquées de cette petite lueur
passionnée, un peu folle, qu’elle connaissait si bien quand elle ne voulait pas
démordre d’une idée.
    — Viens, fit-elle en s’éloignant d’Hatchepsout,
de Baki et des accoucheuses. Je t’écoute.
    — Maman, je suis enceinte.
    Séchât ne broncha pas. Elle tourna son regard
vers les accoucheuses. Dans une ou deux minutes, l’enfant serait expulsé
complètement du ventre de sa mère. Déjà, la tête apparaissait tout entière.
    — Ne t’inquiète pas, fit Séchât. Tu
épouseras Thoutmosis dès qu’il sera rentré de son expédition.
    — Je sais. Maman, je ne m’inquiète pas.
    — Alors qu’est-ce qui ne va pas ?
    Elle regarda sa fille et vit qu’une légère
crispation serrait ses lèvres joliment dessinées au henné.
    — Dis-moi, Satiah, es-tu heureuse ?
    — Loin de Thoutmosis, non !
    — L’es-tu donc plus quand il est là, et
que ta présence doit côtoyer celle de Mérytrê ?
    — Oui, car c’est moi qu’il regarde.
    Séchât soupira. Devait-elle regretter à nouveau
le choix qu’elle avait fait autrefois ? Certes, sa décision de privilégier
sa vie professionnelle au détriment de son enfant était la conséquence fatale
de ce qui suivait. Si sa fille n’avait pas été placée au harem et qu’elle l’eût
elle-même élevée, Séchât en aurait probablement fait l’épouse d’un haut
dignitaire et Satiah n’aurait pas à se créer des frayeurs sur une position
subalterne qu’elle commençait à refuser.
    Mérytrê cria. Une ultime contraction la pencha
en avant. Hatchepsout retroussa sa chemise plus haut. Son corps s’était un peu
ployé en avant pour mieux observer le sexe de l’enfant qui allait sortir. « La
Grande Génisse » commençait à grimacer de joie. Ses deux compagnes se
crurent obligées de sourire elles aussi. Mérytrê cria encore. Ce fut la
dernière plainte avant la fin. L’enfant sortait tout entier. « La Grande
Génisse » reçut dans ses mains le gros garçon qui tombait, enveloppé du magma
maternel. Le futur Aménophis II était né.
     
    *
    * *
     
    Avant que le retour de Thoutmosis soit
annoncé, une rentrée glorieuse où le prince ramenait à nouveau les honneurs de
la guerre, Satiah avait déjà organisé sa fugue. En ayant soupesé tous les
effets et contourné chaque obstacle, du moins, le croyait-elle, car sa grande
jeunesse lui faisait oublier les points essentiels, elle avait décidé de partir
avec Cachou.
    Le chagrin qu’elle avait eu à ne pas en parler
à Maâthor l’avait un instant retenue, mais le violent désir de partir mûrissait
depuis trop longtemps en elle pour qu’elle lâchât prise aussi vite. Satiah
savait que l’immense confiance que sa mère avait mise en sa fidèle servante

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