L'Ombre du Prince
esquissa
une petite frisure qui montrait que la demande était osée.
— Simplement une nuit, reprit Satiah
assez précipitamment pour que le prêtre d’Abydos n’ait pas le temps d’opposer
un refus. Je connais le roi Séthi I er et l’époque de l’Ancien
Empire auquel il appartient et je sais qu’il est le maître de ce temple. Je
peux donc l’honorer de mes prières et lui donner l’un de mes bracelets d’argent
en offrande.
Le prêtre dont la tunique de lin blanc enveloppait
le corps entier, à l’exception de son épaule droite, haussa les sourcils et
attendit. Puis, il fit quelques pas comme s’il s’en retournait et revint
subitement vers les jeunes filles. Son regard gris et métallique se planta dans
celui de Satiah qui n’attendait qu’un mot pour reprendre la conversation.
Il observa avec attention sa jeune silhouette
et la souligna d’un hochement de tête. L’adolescente lui tenait tête assez
hardiment, mais son éducation semblait parfaite. Elle était propre d’aspect. Sa
tunique blanche était tissée dans un lin pur et fin attestant la haute lignée
de sa condition. Ses cheveux soyeux et souples étaient tirés en arrière et ses
pieds chaussés de riches sandales étaient juste recouverts de la poussière du
voyage qu’elle avait fait depuis la veille.
De toute évidence, il avait remarqué depuis
longtemps les bracelets qui enroulaient ses bras et ses chevilles.
— Dis-moi ton nom, ma fille, si tu veux
que le temple t’accueille et dis-moi pourquoi tu te rends à Memphis.
Cette fois, Satiah ne pouvait plus reculer.
Fort heureusement, l’ébauche d’un plan lui vint à l’esprit. Une idée qu’elle n’avait
pas concoctée à l’avance puisqu’elle devait passer pour une jeune orpheline
partie rejoindre un membre de sa famille à Memphis.
Tout à coup, la vieille argumentation qu’elle
avait mise au point depuis si longtemps lui parut complètement idiote. Une
orpheline et sa servante à la recherche d’un oncle ! Quelle stupide idée !
Comment avait-elle pu être aussi sotte pour envisager un tel alibi ? Ses
talents de comédienne l’aidèrent.
— Je suis Isis, la déesse, fit-elle en
élevant les bras au ciel.
Il la regarda d’un œil narquois. Un pli
presque invisible étira ses lèvres.
— Isis, la déesse ! Rien que cela.
— Bien sûr, Grand Prêtre, c’est mon nom
de théâtre.
— Et ton vrai nom, quel est-il ?
— Je préfère le taire. Je l’ai promis à
celui pour qui je joue les scènes du spectacle.
— Un spectacle ! Es-tu comédienne ?
— Oui, Grand Prêtre et je dois jouer en
public à l’arrivée des armées de Thoutmosis qui revient vainqueur des pays d’Asie.
— Et tes compagnons de théâtre ? Je
ne vois que cette jeune Africaine.
— C’est Cachou, ma servante. Quant au
reste de la troupe, elle est déjà à Memphis et je dois la retrouver le plus
vite possible.
— Alors, je te propose quelque chose. Les
prêtres d’Abydos te nourrissent ce soir et t’abritent pour la nuit, toi et ta
servante. En échange, après ton repas, tu nous joueras une ou deux scènes de
ton spectacle.
— Bien sûr, s’écria Satiah. Et, en l’absence
des autres comédiens, Cachou peut me donner la réplique.
— Attention, ma fille. Nous t’hébergerons
seulement si tu dis vrai. Mais si tu as menti, nous te livrerons à la police d’Abydos.
Et, crois-moi, elle n’est guère clémente, car elle arrête beaucoup de violeurs
de tombes pour qui la justice est impitoyable.
— Je sais.
— Tu risques de partir loin de ton pays,
d’avoir le nez coupé, ou pire encore, de moisir dans la prison d’une mine de
Coptos.
— Je sais, Grand Prêtre, mais je ne suis
pas une pilleuse de tombes.
L’homme se dit qu’il avait été un peu trop
loin dans l’éventualité des sanctions à venir, car ses lèvres esquissèrent un
sourire et il reprit :
— Je vois que ta servante se cache le
visage derrière son bras. Qu’a-t-elle à craindre ?
— Ne faites pas attention, Grand Prêtre,
Cachou a très peur. Certes, elle sait attraper les reptiles, mais elle n’est
pas habituée à voyager.
— Je ne comprends pas, jeune fille, fit
le prêtre en plissant le front, les comédiens et leurs esclaves, du moins s’ils
ont la chance d’en avoir, ont l’habitude de sillonner les routes.
— Bien sûr, Grand Prêtre, mais Cachou
vient du Pays du Pount. Elle est restée assez sédentaire. Et…
Elle s’arrêta
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