L'Ombre du Prince
dérange-t-il ?
— Aucunement, Majesté. Quel parcours voulez-vous
emprunter ?
— Cela ne te regarde pas, Antef.
Il eut un mauvais sourire. Elle poursuivit
sans attendre.
— Et ne t’avise pas d’agiter plus qu’il
ne faut mon cheval par tes pratiques hypocrites, je lui donnerai moi-même un
calmant pour l’apaiser et je ferai examiner les roues et les essieux de mon
char juste avant de partir. Le piège que tu cherches déjà à me tendre ne
réussira pas.
Un peu à l’écart, Aïcha et deux autres jeunes
servantes l’accompagnaient. Hatchepsout repoussa Antef de la main. Son corps
était encore solide malgré l’aspect décharné qu’il offrait. Le geste qu’elle
fit l’étonna tant elle dut le bousculer fort pour le faire reculer.
Il ne répliqua rien et rebroussa chemin. Mais
au rictus qu’il esquissa sur ses maigres lèvres, Hatchepsout comprit qu’il
devait être satisfait d’avoir pu entendre de sa propre bouche qu’à l’aube prochaine
elle se servirait bien de son char.
Elle réprima un vertige qu’elle sentit venir à
elle comme une ombre insidieuse et menaçante à l’idée que, bientôt, Antef
sourirait de joie devant son corps définitivement endormi, et il fallut qu’Aïcha
la soutînt quelques instants avant qu’elle puisse pénétrer dans la grande salle
de l’hôpital.
L’assistant de Neb-Amon qui le remplaçait en
son absence vint à elle et se courba comme il se devait, buste plié au sol et
mains à plat.
— Relève-toi. Je veux que tu me donnes
simplement la potion qui calme les chevaux lorsqu’ils sont trop excités. Je
sais que Neb-Amon a préparé pour Satiah un mélange de plantes qui les apaise
sans les diminuer physiquement. Tu m’en donneras une fiole.
— La voulez-vous maintenant, Majesté ?
Elle jeta un coup d’œil à l’ensemble de la
grande pièce. Elle était claire, spacieuse et très aérée. De grandes ouvertures
donnaient sur un jardin ombragé, tranquille et reposant, où les convalescents
se réconciliaient avec la vie quotidienne.
La salle sentait le natron, mais Hatchepsout n’y
prit pas réellement garde. Elle avait assisté à suffisamment d’embaumements
pour ne plus être gênée, plus qu’il ne fallait, par cette odeur âcre et forte
qui prenait à la gorge.
Sur les étagères étaient posés les bocaux
emplis de diverses plantes, hellébore, pavot, mandragore, ciguë, pivoine et
autres herbes régénérantes. Des pots en terre cuite enfermaient les extraits de
roches diverses traitées en médecine. Ils étaient serrés les uns contre les
autres, côtoyant les potions, les huiles calmantes et les fioles d’ingrédients
qui servaient à apaiser et à soigner les corps malades.
À côté de cette grande salle où les médecins
préparaient leurs remèdes, une autre pièce, plus immense encore, s’ouvrait elle
aussi sur le jardin. C’était là que les malades placés sous surveillance
étaient tous réunis. L’œil vigilant des quatre médecins qui se partageaient le
travail ne cessait de surveiller les malades.
Un peu à l’écart, sur la gauche de l’ensemble
hospitalier, se tenait le pavillon des opérés. Plus loin encore, une petite
maternité avait été mise en place pour les nouveau-nés qui présentaient de
graves difficultés à la naissance.
— Donne-moi ce calmant maintenant, je te prie.
Aïcha ira le porter au garçon d’écurie qui s’occupe de Flèche d’Or.
Elle s’approcha du maître-assistant
hospitalier et, tendant la main pour saisir la petite fiole, elle jeta
négligemment :
— Peut-on lui faire absorber la moitié du
contenu ?
— Que non ! Majesté, vous le tueriez
net.
Elle eut un sourire qu’elle s’efforça de
réprimer.
— Souffrirait-il ?
Il secoua la tête et sourit à son tour.
— Cette potion n’est pas un poison,
expliqua-t-il. Prise à l’excès, elle endort, mais ne fait pas souffrir.
— Elle endort ! Veux-tu dire
définitivement ?
— Oui, Majesté. Mais le corps reste
reposé et intact. Aucune marque vilaine, aucun signe monstrueux ne vient
enlaidir le corps de l’homme ou de l’animal qui en a absorbé une trop forte
dose.
Hatchepsout soupira. À présent, elle avait exactement
ce qu’elle cherchait.
— C’est bien. Aïcha dira au palefrenier
de lui en donner quelques gouttes.
— Dix suffiront, Majesté. Après, il
serait préférable que votre suivante me restitue la fiole qui, d’ailleurs, sera
encore presque pleine. Je ne
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