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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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l'infirmière et de débiter des vers de mirliton pour louer la fermeté de ses fesses et le galbe de ses cuisses.
    Nous escortâmes le docteur et son assistante jusqu'à la porte et les remerciâmes avec effusion
de leurs bons offices. En entrant dans la chambre, nous découvrîmes que Bernarda,
envers et contre tout, avait enfreint les ordres de Barceló et avait rejoint Fermín sur le lit où le brandy et la fatigue avaient
finalement réussi à lui faire trouver
le sommeil. Fermín, couvert de bandes, de pan sements et d’emplâtres,
lui caressait tendrement les cheveux. Son visage n’était qu’un énorme hématome
qui faisait peine à voir, d’où émergeaient le nez indemne, les oreilles comme
des antennes de télévision, et des yeux de petite souris écrasée. Le sourire
édenté et mâchuré était triomphal, et il nous reçut en levant la main droite en
signe de victoire.
    – Comment vous sentez-vous, Fermín ? demandai- je.
    – Rajeuni de vingt ans, dit-il à voix basse pour ne pas réveiller
Bernarda.
    – A d'autres, Fermín ! Vous êtes dans un état épouvantable.
Etes-vous sûr que ça va ? La tête ne vous tourne pas ? Vous
n'entendez pas des voix ?
    – Maintenant que vous me le faites remarquer, j'ai par moments
l'impression d'entendre un murmure dissonant et arythmique, comme si un macaque
essayait de jouer du piano.
    Barceló fronça les sourcils. Clara continuait de massacrer sa partition
dans le lointain.
    – Ne vous inquiétez pas, Daniel j'ai encaissé des raclées pires que celle-là. Ce Fumero ne sait même pas
cogner correctement.
    – Ce Fumero vous a quand même refait le visage, dit
Barceló. Et je vois que vous fréquentez les hautes sphères.
    – Je n'en étais pas encore arrivé à cette partie de
l'histoire, dis-je.
    Fermín me lança un regard alarmé.
    – Soyez tranquille, Fermín. Daniel est en train de me
mettre au courant de la pièce dans laquelle vous jouez tous deux. Je dois
reconnaître que c'est très intéressant. Et vous, Fermín, que penseriez-vous de
vous confesser ? Je vous signale que j'ai fait deux ans de séminaire.
    – Je vous en donnais au moins trois, monsieur Gustavo.
    – Tout se perd, à commencer par la décence. C'est la
première fois que vous venez chez moi, et je vous retrouve au lit avec la
bonne.
    – Regardez-la, cette pauvre petite, mon ange. Sachez,
monsieur Gustavo, que mes intentions sont honnêtes.
    – Vos intentions sont votre affaire et celle de
Bernarda, qui est majeure depuis belle lurette. Et maintenant, passons aux
choses sérieuses. Dans quel bourbier vous êtes-vous fourvoyés tous les
deux ?
    – Qu'est-ce que vous lui avez raconté, Daniel ?
    – Nous en étions au deuxième acte : entrée de la femme fatale, comme disent les Français, précisa Barceló.
    – Nuria Monfort ? demanda Fermín.
    Barceló se pourlécha les babines.
    – Parce qu'il y en a d'autres ? Ça devrait
s'appeler L’Enlèvement au
sérail.
    – Je vous prie de parler moins fort, vous oubliez ma
fiancée.
    – Ne vous en faites pas pour votre fiancée, elle a une
demi-bouteille de Lepanto dans les veines. Nous tirerions au canon qu'elle ne
se réveillerait pas. Allez, dites à Daniel de me raconter le reste. Trois têtes
valent mieux que deux pour réfléchir, surtout quand la troisième est la mienne.
    Fermín ébaucha un haussement d'épaules sous bandages et
les emplâtres.
    – Je ne m'y oppose pas, Daniel. A vous de décider.
    Résigné à accepter M. Gustavo à bord, je poursuivis mon
récit jusqu'au moment où Fumero et ses hommes nous avaient surpris dans la rue
Moncada, quelques heures plus tôt. Une fois finie ma narration, Barceló se leva
et, pensif, arpenta la chambre. Fermín et moi l'observions d'un œil suspicieux.
Bernarda ronflait comme une otarie.
    – Ma toute petite, chuchotait Fermín extatique.
    – Plusieurs choses retiennent mon attention, dit
finalement le libraire. D'abord il est évident que l’inspecteur Fumero est
impliqué là-dedans jusqu'au cou, même si le pourquoi et le comment m'échappent.
D'un côté il y a cette femme...
    – Nuria Monfort.
    – Puis nous avons l'histoire du retour de Julián Carax à
Barcelone et de son assassinat en pleine rue au bout d'un mois, durant lequel
personne ne sait ce qu’il a fait. Manifestement, la femme ment comme une
arracheuse de dents.
    – C'est ce que je dis depuis le début, confirma Fermín.
Mais voilà, la jeunesse s'échauffe vite et n'a guère de vision

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