Londres, 1200
marins, se morigéna-t-il. Il
s’interrogea une fois de plus sur la violence qui le dominait si souvent.
« Je suis au Diable, et j’y
reviendrai », disait Richard Cœur de Lion. Guilhem songeait qu’il était le
même genre d’homme que le roi d’Angleterre. Sanceline aurait pu le sauver, mais
elle l’avait quitté.
Ils passèrent par la cour déserte, à peine
éclairée par des lueurs vacillantes venant de l’auberge, et s’arrêtèrent près
d’un sombre cellier. Là aussi, personne ne pouvait les entendre.
— Anna Maria, Robert doit t’attendre, tu lui
raconteras ce qui s’est passé. Parle-lui de Dinant, il comprendra. Comme je
vous l’ai dit, on doit partir, mais finalement on ne le fera que dimanche.
— Pourquoi ? glapit Bartolomeo, pris de
peur. On va nous chercher, demain !
— Rien ne dit qu’on trouvera si vite celui
que j’ai tué, et il y a des centaines d’auberges à Londres. Pourquoi nous
chercherait-on ici ?
— Ils nous trouveront ! insista
Bartolomeo, buté.
— J’ai besoin de la journée de demain, l’ami.
Je viens de trouver un moyen pour obtenir le testament. J’aurais dû y penser
plus tôt. Voilà ce qu’on va faire…
Il expliqua son plan. Comme il faisait nuit, il ne
put voir les expressions des visages d’Anna Maria et de Bartolomeo. Mais il
devinait qu’ils étaient horrifiés par son idée.
— Anna Maria, parle de ça ce soir à Robert.
Bartolomeo, veux-tu vider une pinte d’ale avec moi ?
— Merci, seigneur, mais j’ai besoin de
dormir, répliqua l’italien d’une voix sans chaleur.
Guilhem n’insista pas. Il savait depuis longtemps
que les entreprises reposant sur la trahison étaient peu appréciées, surtout si
elles étaient proposées par des mécréants comme lui.
Il entra dans la grande salle où restaient encore
quelques hommes jouant aux cartes ou sommeillant devant le feu presque éteint.
Parmi eux, il y avait Ranulphe, les yeux dans le vague.
Cédric n’était pas là, peut-être était-il avec
quelque puterelle qui parlait sa langue. Le Flamand non plus n’était pas là,
mais lui devait déjà dormir.
C’était bien que Ranulphe soit seul. Il allait
enfin avoir une explication avec lui. Ce qu’il allait lui dire n’allait pas lui
plaire.
L’autre se raidit en le voyant approcher.
— Ranulphe, nous avons à parler !
Le lendemain, il ne faisait pas encore jour quand
Guilhem et Bartolomeo furent réveillés par Robert de Locksley qui tambourinait
à la porte de leur chambre.
— Je croyais que le temps nous
manquait ! ironisa-t-il.
Guilhem sortit du lit en se frottant les yeux.
— Anna Maria m’a tout raconté et je viens de
parler à Ranulphe, ajouta-t-il d’un ton plus sombre.
— Je l’ai vu hier soir. Cela n’a pas été
facile.
— Je m’en doute bien. Anna Maria m’a dit que
Dinant était à la Tour, et qu’il arrivait de Bordeaux.
Guilhem dormait en chemise et en braies. Tout en
parlant, il enfila ses chausses de laine et serra les jarretelles à la taille.
Puis il mit son doublet de lin et passa sa robe avec l’aide de Bartolomeo.
— Oui, ce ne peut être que lui qui a
manigancé la fin de Mercadier et qui a fait tuer Mathilde. Il était avec son
écuyer, un nommé Mauluc qui ressemblait parfaitement à ton aviseux et à
l’assassin de Mathilde.
— C’est la deuxième fois que nous trouvons ce
Dinant sur notre chemin, remarqua Locksley.
— Nous l’avons déjà vaincu, mon ami, et
l’heure du châtiment approche pour lui, gronda Guilhem.
— Mais à quel prix ? grimaça le Saxon.
Il fit silence un instant tandis que Guilhem
attachait les boucles de ses heuses.
— Je n’aurais jamais proposé un pareil
subterfuge, tu t’en doutes. Dieu sait ce qui va se passer là-bas, dimanche.
Crois-tu que Furnais fera illusion longtemps ?
— Certainement pas ; d’ailleurs, il n’en
est pas capable, répliqua Guilhem brutalement. Mais ce n’est pas
important !
Il serra les boucles des ceintures que lui avait
tendues Bartolomeo, puis attacha son escarcelle et ceignit son épée.
— Ranulphe n’est pas plus adroit, il aura
sans doute sa tête accrochée au pont, dimanche, dit Locksley en désignant la
direction de la Tamise. Quant à Furnais, Jean le fera écorcher.
— Je sais tout cela, Robert, répliqua
Guilhem, mal à l’aise, mais pour ces raisons, personne ne se doutera que tout
est faux.
En le regardant finir de se préparer, Robert de
Locksley se
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