Londres, 1200
égale.
— S’il l’avait fait pour protéger celle qu’il
aime ?
— Regun ?
Elle hocha lentement la tête.
— Comment le savez-vous ?
— Mathilde me l’a dit. Il y a dix jours, il y
a eu une violente dispute entre Regun et Ranulphe. Ranulphe a dit à son cousin
qu’il tuerait Mathilde plutôt que d’assister à une mésalliance dans leur
famille. Si Robert l’apprend, il fera pendre Regun. Vous devez trouver un moyen
de le protéger, car Mathilde en mourrait.
— Regun a-t-il avoué à Mathilde avoir
tiré ?
— Non.
— Alors, je ne peux vous suivre, Anna Maria,
répliqua Guilhem en secouant la tête. Regun est homme d’honneur. S’il avait
voulu se protéger de Ranulphe, il l’aurait défié en duel. Robert pensera comme
moi, que Mathilde se rassure.
— Mais qui a tiré, alors ?
demanda-t-elle, angoissée.
— Je ne sais pas, mais je vais poser quelques
questions.
La révélation d’Anna Maria éclairait quand même
Guilhem. Il avait compris que Ranulphe était persuadé que c’était son cousin
qui avait tenté de le tuer, et il refusait de le dénoncer.
Chapitre 13
L a
veille de la mi-carême [31] ,
le guetteur du donjon sonna de la trompe, ce qui ne s’était pas produit depuis
des semaines. Guilhem et Robert de Locksley étaient dans la basse-cour où ils
s’apprêtaient à partir chasser.
D’en bas, ils interrogèrent la sentinelle.
— Cinq cavaliers, seigneurs. Ils arrivent par
la route du prieuré. Il y a un chevalier en tête et ses hommes portent des
lances.
— Vois-tu les gonfanons ou les écus ?
— Je ne distingue rien, seigneur.
Pour la chasse, Guilhem portait un justaucorps de
cuir et Robert de Locksley sa cotte verte en drap de Lincoln. Comme ils
n’avaient que des couteaux, ils retournèrent dans le château ceindre leurs
ceinturons et leurs épées. Guilhem enfila aussi un camail pour protéger ses
épaules et prit son casque à nasal.
Quand il redescendit, Bartolomeo et Alaric avaient
mis les gardes en alerte.
— Ils se sont arrêtés aux maisons, seigneur.
J’ai vu la femme du Flamand leur parler, cria le guetteur.
Ils n’étaient donc pas hostiles, se rassura
Guilhem en grimpant par une échelle sur le chemin de ronde afin de les voir arriver.
Quelques instants plus tard, Locksley le rejoignit avec arc et carquois.
Les cavaliers s’approchaient maintenant du
château. Devant la barbacane, l’un d’eux ôta son bassinet et Guilhem reconnut
l’un des chevaliers de Philippe Auguste qu’il avait rencontré à Paris.
— Seigneur Guilhem d’Ussel, me
reconnaissez-vous ? lança le visiteur. Je suis Amiel de Châteauneuf, au
service de frère Guérin.
— Je me souviens de vous ! répondit
Guilhem en faisant signe à Alaric d’ouvrir la porte de la barbacane.
Immédiatement il descendit pour accueillir les
voyageurs.
— Arrivez-vous de Paris ? lança-t-il à
peine entraient-ils.
— Oui-da, seigneur d’Ussel ! Et ce fut
un long et rude et voyage, répondit Châteauneuf en descendant de cheval.
— Vous souvenez-vous du comte de
Huntington ? demanda Guilhem, désignant son ami.
— Certes ! Celui qui a sauvé notre roi,
cet effroyable jour de l’Ascension ! J’ignorais que vous étiez encore avec
le seigneur d’Ussel, noble comte, mais cela facilitera ce que j’ai à
transmettre de la part de notre monarque.
Voici des paroles bien énigmatiques, songea
Guilhem qui ne posa aucune question, sachant combien une indiscrétion pouvait
mettre à mal une entreprise.
Il demanda à Bartolomeo de conduire les cavaliers
d’escorte dans la cabane servant de corps de garde et de leur offrir à boire,
puis il invita Châteauneuf à l’accompagner au château avec Robert, ne proposant
à aucun serviteur de les accompagner.
Dans la grande salle, il ferma lui-même la porte
ainsi que la trappe conduisant à l’étage. Sur un dressoir étaient exposés pots
et coupes pour les repas. Une vaisselle abandonnée par les templiers. Il en
prit trois parmi les plus ouvragés, puis sortit un baril de liqueur d’une
armoire.
— Je n’ai pas de lettre pour vous, déclara
alors Châteauneuf en écartant les mains.
Guilhem hocha la tête. L’absence de missive
signifiait que le message du chevalier devait rester secret.
Il remplit les trois coupes et attendit.
— Seigneur de Locksley, vous qui étiez l’ami
de Richard au Cœur de lion, saviez-vous qu’il avait laissé un testament en
faveur de son neveu Arthur
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