Londres, 1200
a
réclamé pour Arthur le Poitou, l’Anjou et la Touraine. Comme toujours, Jean aurait
tenu des réponses équivoques, insistant seulement sur un mariage entre sa nièce
Blanche, la fille d’Alphonse de Castille, et Louis, le fils de notre roi.
— Blanche est la petite-fille d’Aliénor,
remarqua Robert de Locksley. Ce serait une importante union entre les
Plantagenêts, la Castille et la couronne de France.
— En effet, ce mariage occupe désormais tous
les esprits et on dit qu’Aliénor est partie chercher elle-même la nièce de
Jean. Quoi qu’il en soit, les rois se sont revus pour la Saint-Hilaire [32] . Cette fois le roi
d’Angleterre a promis comme dot pour Blanche le comté d’Évreux et trente mille
marcs d’argent. Seulement Philippe veut toute la Normandie et il est persuadé
que seul ce testament fera céder le Plantagenêt.
Châteauneuf jeta un regard incertain à Robert de
Locksley, qui, après tout, était sujet de Jean. Mais le comte de Huntington
était saxon et redevable d’aucune loyauté envers les Normands ou les
Plantagenêts, et encore moins envers Jean. Il resta de marbre.
— Si Robert m’accompagne, je veux bien
essayer, annonça Guilhem.
Châteauneuf parut soulagé.
— Avez-vous d’autres détails ? demanda
Locksley.
— Non, Furnais a raconté au roi ce qu’il
avait découvert, puis il est retourné en Angleterre pour en savoir plus. Comme
il ne revenait pas, frère Guérin m’a demandé de vous rencontrer à l’occasion du
voyage que je faisais à Narbonne. Je rentre à Paris maintenant, et nous
pourrions faire route ensemble à travers la Bourgogne et la vallée du Rhône,
moins dangereuses que le Limousin. Là-bas, le roi vous dira ce qu’il a appris,
et vous n’aurez qu’à poursuivre jusqu’en Angleterre.
— Nous passerons par la Flandre, décida
Guilhem, en hochant du chef.
Après un dîner dans la grande salle durant lequel
Châteauneuf donna quelques nouvelles de Paris qui intéressèrent surtout les
cathares, ils se réunirent à nouveau l’après-midi, cette fois avec Anna Maria
et Bartolomeo afin de préparer leur départ. Châteauneuf insista sur le secret
qui devait entourer l’entreprise. En aucune manière Jean, ou même Aliénor, ne devait
apprendre ce qui se tramait. Pour tout le monde, il était venu transmettre une
invitation du roi de France à son vassal Guilhem afin qu’il soit présent au
mariage de son fils qui serait célébré à la fin du mois de mai.
Robert de Locksley demanda si le mariage de
Blanche et de Louis aurait lieu à Notre-Dame et Châteauneuf parla alors pour la
première fois de l’interdit. Il n’avait rien voulu dire à table.
Sept ans auparavant, à Amiens, Philippe avait
épousé Ingeburge, sœur du roi du Danemark, qui lui apportait une importante
dot. Mais la nuit de noces s’était mal passée et, le lendemain, le roi, pâle et
agité par un furieux tremblement, avait déclaré sa soudaine et violente
répulsion pour sa nouvelle femme, affirmant que moult elle lui déplaisoit. « Cette femme est ensorcelée, disait-il, et a fait de moi un impuissant.
Il faut qu’elle retourne au Danemark. »
Répudiée, Ingeburge avait refusé de rentrer dans
son pays, aussi avait-elle été enfermée dans un couvent. Avec l’appui de
l’archevêque de Reims, le divorce avait été prononcé et le roi s’était remarié,
mais, depuis, le souverain pontife avait cassé la sentence de divorce. De ce
fait, Philippe Auguste était bigame.
Cela, tout le monde le savait. Cependant en
décembre, prétextant cette bigamie, mais en réalité à cause d’une querelle en
Flandre, Pierre de Capoue, cardinal et légat de Rome, avait réuni un concile à
Dijon et, au nom d’Innocent III ,
avait mis la France en interdit jusqu’à ce que le roi reprenne Ingeburge pour
femme.
L’interdit signifiait que tous les sacrements,
baptêmes, confessions ou mariages seraient supprimés et que les églises
resteraient fermées.
— Décidée à la fête de Saint-Nicolas,
l’exécution de cette sentence a été retardée jusqu’à la Nativité. Depuis,
Philippe a envoyé à Innocent III une
ambassade dirigée par l’archevêque de Sens, mais le Saint-Père a refusé de
lever l’interdit. Notre roi a donc menacé les évêques, les curés et les
chanoines qui l’appliqueraient. Malgré cela, quand j’ai quitté Paris, plus
aucune cloche ne sonnait. C’était grande pitié.
— Mais comment se fera le mariage
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