Londres, 1200
de Bretagne ?
— Je l’ai entendu dire en Terre sainte, il
l’aurait fait en Sicile. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’étais tant
surpris quand, à Châlus, j’ai entendu mon roi annoncer qu’il choisissait Jean
comme successeur. La seconde raison était bien sûr que son frère lui avait fait
du tort toute sa vie. Mais je suppose que ce testament a été révoqué.
— Pas exactement. Richard l’avait confié à
Hubert de Burgho, son chambellan, en qui il avait toute confiance. De retour de
Terre sainte, après la mort du roi de Sicile dont Arthur aurait dû épouser la
fille, Richard a demandé à Burgho de détruire ce document. Burgho a assuré
l’avoir fait, puis il a quitté le service du roi pour celui de son frère, dont
il est devenu chambellan.
« Or, il y a quelques mois, le seigneur
Thomas de Furnais, l’ancien gouverneur d’Angers, a appris que Burgho avait
conservé cet acte.
— Mais Jean est roi, désormais. Quelle
importance cela peut-il avoir ? demanda Guilhem.
— Jean a été élu par l’assemblée des barons
anglais, mais, selon l’archevêque de Reims, cette élection pourrait être remise
en cause si un testament était publié.
— Possible, en effet, admit Robert de
Locksley, mais je connais un peu Burgho. S’il l’a, il ne le cédera pas !
— Thomas de Furnais s’est rendu en Angleterre
où il est parvenu à interroger un clerc de Burgho. Selon lui, Burgho n’a pas
gardé le document, craignant que Jean ne l’apprenne et ne le punisse pour ne
lui avoir rien dit. Il le conserve comme une sauvegarde contre son maître et
l’a confié dans un coffret à un de ses amis, Guillaume de La Braye, qui serait
gardien de la Tour de Londres. La Braye ignorerait le contenu de ce coffret.
— Qu’est-ce que la Tour de Londres ?
demanda Guilhem.
— Un grand donjon construit par Guillaume le
Normand, répliqua Robert de Locksley. Érigé sur l’enceinte romaine de la ville
de Londres, il est entouré d’une muraille et d’un fossé d’eau. C’est là que
résident le grand justicier d’Angleterre et les autres grands officiers comme
le gouverneur, le grand chambellan, le chancelier et le grand trésorier. Mais
je crois me souvenir que La Braye n’en est pas gouverneur, seulement
lieutenant.
— Tu m’as déjà parlé de ce grand justicier.
Qui est-il ?
— C’est lui qui dispose de tous les pouvoirs
du royaume quand le roi n’est pas en Angleterre. Il se nomme Geoffroi
Fils-Pierre.
— Laissez-moi deviner, sire Châteauneuf, fit
Guilhem après avoir écouté ces réponses. Philippe de France voudrait que je
reprenne ce testament ?
— C’est exactement cela ! répondit le
chevalier en écartant une nouvelle fois les mains en signe d’évidence.
— S’il se trouve caché dans la Tour, c’est
impossible ! laissa tomber Robert de Locksley, haussant les épaules.
— C’est aussi ce que pense le roi, et c’est
le sentiment de Thomas de Furnais. Mais notre vénéré monarque vous a vu à
l’œuvre, et il a songé que si quelqu’un pouvait y parvenir, c’était vous !
Vous avez bien réussi à entrer dans le Louvre !
— C’était différent, je n’étais pas seul. De
plus, je ne connais pas ce pays ! Et puis, je ne peux pas abandonner mes
gens ici…
— Je pourrais t’accompagner pour te servir de
guide, Guilhem. Tu sais combien l’envie de rentrer chez moi me travaille.
Cependant, je peux déjà t’affirmer qu’il n’y a aucun moyen de pénétrer par ruse
dans la Tour de Londres. Et si par un divin miracle tu y parvenais, ou que nous
y parvenions, il n’y aurait aucune possibilité de trouver ce coffret tant le
château est immense.
Châteauneuf sortit une bourse de son manteau.
— Il y a là cent bezans de Jérusalem pour vos
dépenses. Le roi serait déçu que vous refusiez.
Guilhem resta silencieux. Retrouver ce testament
était certainement impossible, mais la proposition du roi lui donnait un
prétexte pour changer de vie, au moins pour quelques mois. Il savait d’avance
qu’il serait rongé par les regrets s’il la refusait.
— Le roi souhaite éviter une guerre avec les
Anglais, car un conflit serait coûteux et il sait combien le peuple est las des
souffrances, ajouta Châteauneuf. Il a donc rencontré Jean plusieurs fois et,
cet automne, près du château de Gaillon, ils se sont entretenus seuls, personne
n’entendant leurs paroles. Une nouvelle fois, Philippe a demandé le Vexin et
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