Londres, 1200
voyage de
Paris à Albi.
Son esprit divaguait alors souvent vers Perrine et
Gilbert. Pour Gilbert, il croyait connaître son assassin, mais saurait-il un
jour la vérité sur la disparition de Perrine ? Il avait longtemps
surveillé les Saxons et Jehan sans rien découvrir d’équivoque dans leur
comportement. Regun et Mathilde fixaient le parfait amour et si Ranulphe de
Beaujame n’adressait plus la parole à son cousin, à qui il reprochait sa future
mésalliance, il était d’une fidélité sans faille tant envers son seigneur
qu’envers lui.
Mais finalement c’était toujours vers Sanceline
que revenaient ses pensées. Il n’aurait jamais cru pouvoir vivre sans elle, et
pourtant il y était parvenu. Que devenait-elle ? Comment s’étaient établis
les cathares à Albi ? Avait-elle rencontré un autre homme ? À cette
idée son cœur se serrait de jalousie et la vielle émettait des sons tristes et
douloureux.
Quand cette mélancolie l’envahissait, il se
rendait compte que cette vie terne et monotone n’était pas la sienne. Parfois,
la voix de Mercadier résonnait dans sa tête. Le routier susurrait cette phrase
de Richard Cœur de Lion : Nous venons du Diable, au Diable nous
retournerons. Il avait cru que l’amour de Sanceline le sauverait. Ne
chantait-il pas que l’amour rendait bons les méchants ? Mais elle n’était
plus là et les flammes éternelles de l’enfer l’attendaient. Il le savait.
Robert de Locksley n’était pas dans un état
d’esprit très différent, mais au moins avait-il Anna Maria pour lui tenir
compagnie. Pourtant, quand les amandiers commencèrent à se couvrir de fleurs,
le Saxon songea de plus en plus fréquemment à l’Angleterre.
Allait-il attendre ici, éternellement, d’avoir des
nouvelles de l’abbé du Pin ? Il y avait tant d’incertitudes. Peut-être que
l’abbé n’avait pu faire parvenir un messager à l’évêque de Hereford. Peut-être
que l’évêque, ou l’abbé, était malade, ou même mort. Comme Guilhem, Robert de
Locksley brûlait d’impatience de chevaucher et de se battre à nouveau.
Regun lui avait dit plusieurs fois que son plus
cher désir était d’épouser Mathilde à Huntington. Alors, après tout, pourquoi
ne les aurait-il pas accompagnés ? Certes, il perdrait ainsi un écuyer,
mais il ne pouvait plus rester ainsi à se morfondre. De plus les relations
entre Ranulphe de Beaujame et son cousin étaient tellement exécrables qu’il
était certain qu’un affrontement aurait lieu tôt ou tard s’ils ne se séparaient
pas.
Seul Bartolomeo appréciait la vie casanière de
Lamaguère, se rendant chaque fois qu’il le pouvait au château de Lasseubes,
pour rencontrer Alazaïs à qui il faisait une cour assidue.
C’est le premier dimanche de Carême que
l’agression eut lieu. Après la messe, Guilhem, Locksley, Ranulphe de Beaujame
et Cédric le Saxon étaient partis à la poursuite d’un vieux cerf qui leur avait
échappé plusieurs fois. Dans la poursuite, au cœur de l’épaisse forêt d’ormes,
de hêtres et de chênes séculaires, ils s’étaient éloignés les uns des autres.
Le cerf les avait d’abord entraînés au plus profond des taillis avant de
revenir vers la rivière. C’est là que Locksley l’avait abattu d’une flèche,
mais l’animal était trop gros pour qu’il le ramène.
Il était donc revenu au château chercher de l’aide
et y avait retrouvé Guilhem et Cédric qui venaient de rentrer, ayant perdu la
trace de l’animal. Quant à Ranulphe, aucun ne l’avait vu.
Trois serviteurs, accompagnés de Geoffroi, étaient
allés prendre la bête et ils avaient attendu Ranulphe en vidant quelques pots
de vin, se racontant mutuellement les meilleurs moments de la chasse.
L’obscurité s’étendait, car en février la nuit
tombe tôt, et Ranulphe de Beaujame n’était toujours pas revenu, mais Locksley
n’était pas inquiet, car l’écuyer détestait rentrer bredouille ; sans
doute avait-il poursuivi quelque biche ou même un sanglier. C’est alors que le
guetteur de la tour annonça l’approche d’un cheval sans cavalier.
C’était celui de Ranulphe.
Tous les hommes du château partirent immédiatement
à la recherche de l’écuyer qui avait peut-être fait une mauvaise chute dans la
poursuite. Guilhem les conduisit d’abord jusqu’à l’endroit où ils s’étaient séparés.
À partir de là, ils fouillèrent longuement les
taillis en appelant autour d’eux. Ce fut
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