L'or de Poséidon
de vue, revint vers nous et s’assit à notre table. Laurentius et moi échangeâmes un demi-sourire. Petronius Longus faisait les choses dans les règles. Non seulement il s’assurait de la présence d’un témoin lors de l’interrogatoire de deux suspects (dont l’un était connu de lui), mais Martinus sortit une tablette de cire et s’apprêta à prendre des notes.
— Cet homme est Martinus, mon second officier. Il va noter ce que nous allons dire, si vous n’y voyez aucun inconvénient. S’il s’avère que certains propos relèvent du domaine privé et n’ont aucun rapport avec le meurtre, les notes seront détruites.
Petronius se retourna pour demander au serveur de sortir, afin de nous assurer un maximum de confidentialité, mais Epimandos s’était déjà discrètement éclipsé.
57
Le capitaine posa les questions, et au début je me tins coi.
— Centurion, es-tu maintenant prêt à me dire ce que le mort et toi espériez de la famille Didius ?
Laurentius acquiesça d’un signe de tête, mais n’ouvrit pas la bouche.
— Vous vouliez récupérer des fonds confiés à Didius Festus pour effectuer un investissement ? insista Petro.
— En effet.
— Puis-je te demander l’origine de ces fonds ?
— Ça ne te regarde pas, affirma Laurentius d’un ton aimable.
— Dans ce cas, poursuivit mon ami tout aussi aimablement, je me vois obligé de te préciser que le sujet de la querelle entre Censorinus et Falco était précisément cet argent. C’est même le motif retenu par le juge pour expliquer que Falco l’ait sauvagement poignardé. Je connais Falco personnellement, et je ne le crois pas capable d’une telle action. Par ailleurs, je sais que nous sommes en train de parler de l’acquisition d’une statue de Phidias, et je me dis qu’un petit groupe de centurions en service actif dans le désert aurait normalement dû avoir beaucoup de mal à rassembler une telle somme.
— Non, ça n’a pas été difficile, commenta laconiquement Laurentius.
— Vous êtes des types pleins de ressources, rétorqua ironiquement Petro.
Ce dialogue parfaitement civilisé ne nous menait nulle part.
Le centurion assis avec nous essayait de rester dans le vague, mais coopéra finalement.
— L’argent que nous essayons de récupérer en ce moment, nous l’avions gagné lors d’une opération précédente. La somme aurait dû être doublée par une nouvelle vente que Festus espérait faire. Je suis venu à Rome pour essayer de découvrir ce qu’il s’est passé. Si Festus a effectué la vente prévue, nous avons un beau bénéfice à engranger. Dans le cas contraire, nous récupérons simplement notre mise. C’est pas de chance, mais une autre occasion se présentera.
Je ne pus m’empêcher d’intervenir :
— Tu parais prendre ça avec beaucoup de philosophie. Mais si c’est votre attitude, pourquoi Censorinus m’a-t-il attaqué avec autant de hargne ?
— Sa situation était différente.
— En quoi ?
Laurentius eut soudain l’air gêné.
— Quand il a rejoint notre association, c’était un optio – pas vraiment l’un de nous.
Martinus, qui n’avait pas compris ce que le centurion venait de dire, adressa une grimace à Petro qui se fit un plaisir de le lui expliquer :
— Un optio est un soldat qui a été déclaré apte à devenir centurion, mais qui attend encore sa nomination officielle. Il faut d’abord qu’un poste devienne vacant, et ça peut demander très longtemps. Pendant toute cette période intermédiaire, il ne commande qu’en second dans la centurie – un peu comme toi.
Il y avait un certain mordant dans la voix de Petro. Je savais qu’il soupçonnait Martinus de guigner sa place, mais qu’il ne le jugeait pas assez bon officier pour en avoir peur et l’écarter.
— Je crois que je ferais mieux de vous raconter toute l’histoire, finit par admettre Laurentius.
S’il avait perçu une certaine tension, c’était de toute façon une atmosphère qu’il connaissait bien.
— Il est certain que nous apprécierions d’y voir un peu plus clair, admis-je d’un ton enjoué.
— Un groupe d’amis, expliqua le soldat, a réuni l’argent nécessaire à un investissement. Comment, c’est leur affaire.
J’évitai de regarder Petronius. Les circonlocutions dont usait Laurentius confirmaient bel et bien nos soupçons.
— Inutile de prendre ça en note, dit Petro à Martinus qui reposa son stylet.
— Cet investissement
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