L'or de Poséidon
fut fructueux.
— Il vous a donc permis de rembourser le capital ?
Je lui laissais ainsi entendre que j’avais parfaitement compris où ils se l’étaient procuré. Le visage de Laurentius s’éclaira d’un sourire réservé.
— C’est exact, rassure-toi ! À ce moment-là, Censorinus ne faisait pas encore partie de notre association. Avec cette première affaire, on a fait un quart de million de bénéfice à dix. Tout le monde était très content, et Festus était devenu un héros à nos yeux. Comme on ne risquait pas de dépenser notre argent en plein désert, on l’a réinvesti dans une deuxième opération. On s’est dit que si ça ne marchait pas, c’est que le destin en aurait décidé ainsi et qu’on reviendrait tout simplement au point de départ. Tandis que si cette deuxième transaction réussissait, on pourrait tous prendre notre retraite.
— Et cette fois, Censorinus a cotisé avec vous ?
— Oui. On avait beau n’avoir parlé de nos gains à personne, d’une façon ou d’une autre certains l’ont appris. Censorinus attendait sa promotion et avait noué des liens avec notre petit groupe. Alors il a voulu participer à la bonne affaire avec nous.
— Donc, énonça Petro, si vous, vous investissiez vos bénéfices, lui tapait dans ses économies.
— Je suppose, convint Laurentius avec un haussement d’épaules. (Il avait de nouveau l’air plutôt gêné.) Bien évidemment, on a exigé qu’il mette au pot la même somme que nous tous.
Étant donné que leur cagnotte provenait d’une ponction illégale dans les fonds de la légion, c’était particulièrement injuste de leur part. Ils s’étaient bien tirés d’une véritable escroquerie qui aurait pu les emmener très loin.
— Je me suis rendu compte plus tard qu’il avait investi tout ce qu’il possédait et avait même dû emprunter. Mais sur le moment, personne ne s’est inquiété de savoir où il avait pris l’argent. (Petro et moi parvenions à nous imaginer sans peine la morgue dont ils avaient fait preuve envers le nouveau venu.) Ce qui est clair, c’est que personne ne l’a obligé à investir avec nous. C’est lui qui a insisté.
— Ce qui est clair aussi, intervins-je, c’est que quand votre projet a chaviré, il a été beaucoup plus touché que les autres.
— Exactement. Voilà pourquoi il avait tendance à prendre le mors aux dents, expliqua-t-il. Mais c’était aussi dans sa nature. (Dans la bouche de Laurentius, ça signifiait qu’il ne méritait pas sa promotion.) J’ai pris conscience trop tard que j’aurais dû m’occuper de cette affaire tout seul.
— Ç’aurait sans doute mieux valu, en effet, glissai-je.
— Il t’avait expliqué sa position ?
— Pas vraiment. Il était resté très vague.
— Beaucoup de gens sont soupçonneux, commenta le centurion.
Après avoir posément vidé mon gobelet de vin, je lui adressai un sourire narquois.
— Et ton association nourrit des soupçons à mon égard ?
— Festus nous a toujours dit qu’il avait un frère très malin.
Ça, c’était nouveau ! Je reposai doucement mon gobelet. Laurentius ajouta à voix basse :
— Notre deuxième investissement semble avoir disparu. Et la première pensée qui nous est venue, évidemment, c’est que tu aurais très bien pu l’avoir trouvé.
— J’ignore même de quoi il s’agit, le corrigeai-je sans me départir de mon calme apparent.
À la vérité, je commençais à deviner de quoi il s’agissait.
— Il s’agit d’une statue.
— Tu ne parles pas du Poséidon qui a disparu dans le naufrage ? demanda Petronius.
Son second, Martinus, tendit la main vers son stylet, mais le capitaine lui immobilisa le poignet.
— Non, pas le Poséidon, précisa Laurentius sans me quitter des yeux.
Il continuait visiblement à se demander si je n’avais pas trouvé cette deuxième statue après la mort de Festus.
Quant à moi, je me posais la question de savoir si Festus avait disposé de la statue et floué ses copains.
— Chacun garde ses secrets ! affirmai-je au centurion. Je peux te préciser que je vis dans la misère. Le capitaine de la garde peut te confirmer que je ne me vautre pas dans le luxe grâce à des bénéfices illicites.
— Il vit dans un taudis ! s’exclama Petro avec une grimace expressive.
— Je ne vois pas où cette deuxième statue pourrait se trouver, assurai-je. Après la mort de mon frère, j’ai examiné ses possessions.
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