L'or de Poséidon
restait plongé dans le silence. Nous réfléchissions tous au nouveau mystère auquel Gaius Bæbius venait de nous confronter.
Il avait cessé de pleuvoir, mais le ciel de Rome était plein d’averses qui ne demandaient qu’à tomber. L’humidité rendait les rues luisantes. D’immenses flaques d’eau s’étaient formées sur les trottoirs, à l’endroit où les marchands ambulants avaient laissé des feuilles de choux et divers détritus boucher les caniveaux. Les toits continuaient à nous goutter sur la tête et nous étions enveloppés par la brume montant du Tibre, à laquelle notre respiration ajoutait des traînées de buée.
À l’instant où nous avions débarqué, l’un des hommes de Petro qui surveillait l’arrivée des chalands s’était précipité sur moi.
— Falco ! s’exclama-t-il. Petronius nous a tous envoyés à ta recherche.
— Je n’ai pas tenté de m’évader. Au contraire ! J’étais avec la personne qui est responsable de moi. (Mon rire mourut rapidement sur mes lèvres.) Il y a un problème ?
— Il veut te parler. Il a dit que c’était urgent.
— Par Jupiter ! Tu as bien une idée de ce qu’il me veut ?
— Le centurion qui pourrait être mêlé au meurtre de Censorinus s’est fait connaître. Le chef l’a déjà interrogé, et on est en train de vérifier son histoire.
— Ça m’innocente, ou il a un bon alibi ?
— Comme s’ils n’avaient pas toujours de bons alibis ! Il vaut mieux que ce soit Petronius qui te mette au courant. Je rentre vite au poste pour annoncer que tu es de retour.
— Entendu. Je serai Cour de la Fontaine. Dis à Petro que je me tiens à sa disposition.
— J’ai l’impression d’entendre une de ses femmes, déclara le garde d’une façon sibylline.
Petro me donna rendez-vous chez Flora. Je l’y trouvai assis en train de déjeuner, tout en discutant avec le serveur et un de ses hommes, Martinus. En me voyant entrer, le dénommé Martinus s’éloigna discrètement pour aller s’appuyer à l’un des comptoirs. Epimandos plaça très vite devant moi le déjeuner commandé à l’avance par mon prévenant ami. Le serveur, sans doute impressionné par la présence du capitaine de la garde, s’occupait de nous avec beaucoup de gaucherie.
Petro avait soigneusement plié sa cape et l’avait placée près de lui, mais il ne m’échappa pas qu’elle était posée sur le paquetage du soldat assassiné. Par discrétion, je fis comme si ce détail m’avait échappé. Epimandos, qui avait certainement reconnu lui aussi le barda du mort, contournait cette partie du banc comme si on y avait déposé le chaudron bouillonnant d’une sorcière.
Quant à Petronius lui-même, il était aussi placide et imperturbable qu’à l’accoutumée.
— Tu as l’air déprimé, Falco. Est-ce qu’il faut mettre ça sur le compte de la nourriture de la caupona ?
— Non, plutôt sur le compte de Festus, avouai-je.
Il laissa échapper un rire bref. Je le connaissais depuis assez longtemps pour tout lui raconter. Il écouta avec son impassibilité habituelle. Il ne tenait pas en très haute estime les gens passionnés d’art ; aussi, ne manifesta-t-il aucune surprise quand je le mis au courant de la fourberie de Carus. L’opinion qu’il avait des actions héroïques n’était pas meilleure, alors apprendre que la mort de mon frère risquait d’avoir été moins glorieuse que ce qu’on croyait ne parut pas l’émouvoir davantage.
— Dis-moi : quand les décorations ont-elles été attribuées à ceux qui les méritent ? Au moins, Festus ne l’a pas reçue simplement parce qu’il avait un copain bien placé.
— Je suppose que de toute façon, ton opinion de la famille Didius n’est pas très favorable ?
— Oh, certains de ses membres sont parfois acceptables ! répondit-il avec un léger sourire.
— Tu es trop indulgent, ça te perdra ! (J’estimais le moment venu d’orienter la conversation vers le sujet qui me tenait à cœur.) Alors que s’est-il passé avec ce centurion ?
Petronius prit le temps d’étendre ses longues jambes devant lui :
— Laurentius ? Il m’a fait l’effet d’un type qui n’a rien à se reprocher. Apparemment, il s’est simplement lié d’amitié avec un malchanceux. Il s’est présenté au poste de garde en affirmant qu’il venait seulement d’apprendre la nouvelle. Il voulait savoir ce qu’il s’était passé exactement. Il a aussi demandé s’il
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