L'or de Poséidon
qu’il leur suffisait de le prouver pour que tu leur donnes toutes tes économies – en mémoire du resplendissant Faustus.
Petro n’avait jamais eu peur de prendre l’opinion générale à contre-pied. Énormément de gens adoraient mon frère. Pas Petro. Ils n’avaient rien en commun.
Lui et moi étions différents aussi, mais d’une façon complémentaire qui nous permettait d’être amis.
— Je me sers aussi d’un couteau.
— Proprement.
Petronius m’avait souvent vu utiliser mon couteau.
J’étais maintenant certain que Petronius Longus avait tenu tête au juge Marponius, en lui affirmant qu’une pareille boucherie ne correspondait pas à mon style. Néanmoins, ils allaient me harceler tant qu’ils n’auraient pas un autre suspect à se mettre sous la dent.
— Question de routine, ajouta Petro. Où se trouve ton couteau ?
Je le sortis de ma botte, en essayant de ne pas trahir mon agacement. Il l’examina attentivement, cherchant des traces de sang. Bien sûr, il n’en trouva pas. Nous savions tous les deux que c’était sans signification aucune. Si j’avais tué quelqu’un avec ce couteau, je me serais empressé de le nettoyer avec le plus grand soin. Même quand il s’était agi de meurtres licites, je m’étais livré à cette manie ménagère.
Après l’avoir examiné pendant quelques instants, il me le rendit en me mettant en garde.
— Tu peux être arrêté et fouillé à n’importe quel moment. Je suppose que je peux te faire confiance pour ne pas te promener en ville avec une arme ?
Dans Rome, il est illégal d’être armé. Ainsi, la nuit, les citoyens respectueux des lois sont à la merci des truands qui, eux, n’ont que faire de la légalité. Très peu pour moi. Je ne répondis rien, et Petro poursuivit sur un ton insultant :
— Et si j’ai un conseil à te donner, Falco, c’est de ne pas tenter de transporter ta sale carcasse au-delà des limites de la cité. Ça suffirait pour guérir immédiatement mon amnésie.
— Oh, tu es trop bon !
Il commençait à me taper sérieusement sur les nerfs. Quand il tenait à jouer son rôle officiel, il pouvait devenir franchement irritant.
— Non, j’essaie d’être juste ! rétorqua-t-il. Ce n’est tout de même pas ma faute si tu as cassé la figure d’un légionnaire en permission qui, peu de temps après, s’est fait découper en rondelles. Estime-toi heureux que je ne prenne pas la mesure de tes poignets et de tes chevilles pour te faire mettre aux fers. Je te laisse la bride sur le cou, Falco, mais à charge de revanche. Je veux savoir en quoi consistait la combine de ton frère. Et je suis sûr que tu pourras l’apprendre plus facilement que moi.
Il avait sans doute raison. J’allais me mettre à creuser le problème. Je commençais d’ailleurs à être très intrigué par cette histoire de statues.
— Petro, si le cadavre de Censorinus est tout ce que nous avons comme point de départ, j’ai besoin de l’examiner. Il est toujours chez Flora ?
Le visage de Petro se ferma.
— Pas question. Évite de t’approcher de chez Flora.
Je sentais que notre vieille amitié était mise à rude épreuve.
— Oh, foutaises ! J’ai l’impression que le fait d’avoir un poste officiel te monte parfois à la tête. Arrête de me traiter comme un mari grincheux dont la femme vient d’être trouvée sans vie sur un tas de détritus.
— Toi, arrête de me donner des ordres comme si tout l’Aventin t’appartenait.
— Tu pourrais pas arrêter un peu de jouer au capitaine de la garde ?
— Tu devrais essayer de grandir, Falco !
Là-dessus, Petronius se leva. La lampe gouttait nerveusement. Je n’avais aucune intention de présenter des excuses. Lui non plus. Aucune importance. Notre amitié était bien trop profondément enracinée pour souffrir longtemps de cet échange de vues un peu vif.
Du moins, je l’espérais. Parce que, sans son aide, mon implication imbécile dans le meurtre de Censorinus pouvait m’être fatale.
Il se hâta vers la sortie, mais se retourna sur le seuil.
— Désolé pour ta sœur, maintenant que j’y pense.
Les événements s’étaient tellement précipités autour de moi que j’en avais oublié Victorina. À tel point que, sur le moment, je ne compris même pas ce qu’il voulait dire.
Ensuite, j’ouvris la bouche pour insinuer qu’il était certainement plus désolé que moi, mais parvins à me retenir. J’avais pitié des enfants
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