L'or de Poséidon
qu’elle laissait entre les mains incapables de son plâtrier de mari. En outre, je n’avais jamais vraiment su quel genre de relation Petronius avait entretenue avec Victorina. Mais une chose était sûre : quand il s’agissait de femmes, Lucius Petronius Longus ne s’était jamais montré aussi timide qu’il en avait l’air.
11
Après qu’il fut parti, je restai assis à la même place. J’avais de quoi occuper mes pensées. C’était un cas de figure qui n’allait pas être facile à résoudre. En fait, je ne voyais pour l’heure aucune solution.
Helena Justina vint voir ce que je faisais (ou combien je buvais). Peut-être m’avait-elle entendu me disputer avec Petronius ? De toute façon, elle devait avoir deviné qu’il y avait un problème sérieux. Tout d’abord, elle essaya de me tirer gentiment par le bras pour me convaincre d’aller me coucher, mais constatant que ses efforts étaient vains, elle céda brusquement et s’assit à côté de moi.
Je continuai à réfléchir sans dire un mot. Pas longtemps. Helena savait comment s’y prendre avec moi. Pendant quelques instants, elle se contenta de tenir ma main droite entre les siennes. Son immobilité et son silence étaient apaisants. Et, conséquence habituelle, je me retrouvai complètement désarmé. J’avais eu l’intention de lui dissimuler la situation, mais je ne tardai pas à lui avouer d’un air consterné :
— Mieux vaut que tu le saches. Je suis suspecté de meurtre.
— Merci de me le dire, commenta Helena poliment.
Là-dessus, ma mère surgit de l’endroit où elle se cachait en tendant l’oreille. Écouter aux portes ne l’avait jamais gênée.
— Alors tu vas avoir besoin de toutes tes forces ! déclara-t-elle en posant avec fracas une patera 4 de bouillon sur les braises de son fourneau.
Aucune des deux femmes n’avait exprimé ni surprise ni indignation en apprenant qu’on m’accusait de meurtre.
Vive la loyauté !
12
Le lendemain, le temps fut tout aussi épouvantable, et mon humeur était à l’unisson. Il ne s’agissait plus seulement pour moi d’enquêter dans le passé plein de zones d’ombre de mon frère pour des raisons familiales – ce qui, pourtant, était déjà une tâche énorme en soi : il me suffisait de découvrir qui avait assassiné Censorinus et pour quelle raison. En moins de deux jours ! Autrement, ce que je pouvais espérer de mieux, c’était un exil aux confins de l’Empire. Mais si j’apparaissais devant un juge qui haïssait les détectives privés – ce qui était leur cas à presque tous –, j’étais sans doute bon pour la crucifixion au bord d’une grand-route, comme un vulgaire criminel. À moins qu’on ait un pressant besoin de nourriture pour les lions de l’arène.
Seuls les membres de ma famille paraissaient en mesure de me fournir des indications sur ce que Festus avait essayé de mettre au point avec ses copains légionnaires. Mais les forcer à s’asseoir sans bouger, pour répondre à mes questions comme des suspects, était une perspective qui ne m’enchantait guère.
Je commençai par ma sœur Maia, ma préférée. Seulement, j’eus à peine le temps de me vautrer sur une couche qu’elle me découragea dans ma tentative :
— Je suis la dernière à qui tu devrais demander ça. Je ne me suis jamais bien entendue avec Festus.
C’était la plus jeune de mes sœurs à avoir survécu à l’enfance. Et, à mon avis, la plus jolie. (Et, surtout, celle qui avait le meilleur caractère !) À peine une année nous séparait, tandis que Junia était mon aînée de trois ans. Maia et moi nous étions toujours épaulés – depuis que nous avions partagé notre première timbale de lait et avions appris à marcher en nous cramponnant, à tour de rôle, à un appareil en bois à roulettes. Elle était facile à vivre. Nous ne nous étions pratiquement jamais disputés, ni étant enfants ni plus tard.
Beaucoup de femmes vivant sur l’Aventin avaient l’air de vieilles harpies après avoir eu leur premier enfant. Maia, qui en avait pourtant eu quatre, ne paraissait toujours pas ses 29 ans. Elle possédait des cheveux noirs très frisés, des yeux magnifiques et un visage rond et enjoué. Pendant son apprentissage chez un tailleur, elle avait acquis un sens de l’élégance qu’elle n’avait heureusement pas perdu – même après avoir épousé Famia, un vétérinaire quelque peu ivrogne, doté d’un nez bulbeux et d’une
Weitere Kostenlose Bücher