L'or de Poséidon
l’habitude l’emporta. Il finit par se confier.
— Tout ce que nous avons, c’est un cadavre sur lequel on s’est atrocement acharné.
— À quand remonte la mort ?
— La nuit dernière, d’après Marponius. Mais il raffole de l’idée qu’un crime ait pu avoir lieu à minuit. Il s’est peut-être produit tôt ce matin.
— Bien sûr ! (La seule période pour laquelle je n’avais pas d’alibi.) Il faut que j’évite Marponius pendant que j’essaierai de découvrir ce qu’il s’est vraiment passé. Examinons toutes les possibilités. Ça ne peut pas être un suicide ?
Petro ne put s’empêcher de s’esclaffer.
— Pas avec les blessures qu’il a ! Sans compter que la victime avait payé sa chambre d’avance.
— Oui, ç’aurait été idiot de payer d’avance s’il se sentait déprimé ! Tu as dit qu’il avait été abattu à coups de hache ? Est-ce que ça peut avoir une signification particulière ?
— Peut-être. Tu as une suggestion ?
Non, je n’en avais pas.
Tous les deux, nous envisageâmes plusieurs possibilités. Censorinus pouvait avoir invité quelqu’un à partager son lit, homme ou femme, et, pour une raison ou une autre, l’aventure s’était mal terminée.
— Si c’était le cas, on aurait remarqué quelque chose chez Flora. Tu connais l’endroit, commenta Petro.
Je connaissais, en effet.
— Est-ce qu’il a été dévalisé ?
— Je ne crois pas. Mais je n’ai pas fini d’inventorier ses possessions.
— Il pourrait s’agir d’un créancier irascible ?
Avant d’avoir fini de parler, je savais que j’aurais mieux fait de me taire. C’était Censorinus qui essayait de récupérer une dette. Les causes de notre dispute devaient s’être propagées tout le long de la rive sud du Tibre, et Petronius devait en savoir autant que moi sur la raison de sa présence à Rome.
— Je l’avais déjà rencontré deux ou trois fois chez ta mère, pendant ton absence. Et j’ai pensé qu’il ne s’était pas introduit dans ta famille juste pour avoir un lit gratuit. Est-ce que je me trompe en disant que ton incomparable frère a quelque chose à voir là-dedans ?
Je ne répondis pas.
— Avec tout mon respect, Marcus Didius, poursuivit Petro d’un ton accusateur, il y a tout de même un ou deux points que tu pourrais m’aider à éclaircir.
Il faisait semblant de ne pas vouloir m’embarrasser, ce qui ne voulait rien dire. C’était un dur à cuire qui n’avait pas l’habitude de ménager ses amis. Si ma conduite absurde nécessitait qu’il me torde le bras ou me flanque son genou là où ça fait mal, il n’hésiterait pas une seconde. Et il était plus fort que moi.
— Entendu. (Je voulais m’efforcer de l’amadouer.) Tout ce que tu voudras. Il y a un problème à propos d’un projet mis au point par Festus. Non, j’ignore de quoi il s’agissait. Oui, j’ai demandé à Censorinus de me mettre au courant. Non, je n’ai pu lui soutirer aucun renseignement. Et je ne tiens pas à être impliqué là-dedans si je peux l’éviter. Oui, aussi sûr que la petite déesse aime les grenades, je préfère éclaircir ce mystère plutôt que de me laisser envoyer chez l’étrangleur public pour une combine de mon frère qui a foiré !
— Alors, dit Petronius avec l’ombre d’un sourire, je vais faire comme si tu n’avais pas tué ce soldat chez Flora. Il me semble que même un type dans ton genre éviterait de se bagarrer devant témoins avec quelqu’un qu’il veut occire.
— Exact. Mais avec Marponius sur ton dos, tu dois me garder sur ta liste de suspects jusqu’à ce que je sois officiellement disculpé.
J’étais sûr que le juge finirait par se rendre aux arguments de mon ami le capitaine et me considérerait comme innocent. Il s’empresserait même de faire sien le verdict de Petro. Mais jusqu’à ce que ce retournement de situation se produise, ma vie allait devenir extrêmement compliquée.
— Si le grief du mort contre Festus était légitime, je pouvais avoir un mobile pour me débarrasser de lui.
— Ceux qui vous ont vus vous battre chez Flora, et qui avaient surpris votre conversation auparavant, ont admis que Censorinus n’a pas voulu te dire ce qui le mettait dans un tel état.
— Un bon point pour eux ! Mais il m’a tout de même expliqué que Festus devait de l’argent à une bande de ses copains légionnaires à cause d’une galère coulée.
— Je te connais assez pour penser
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