L'Orient à feu et à sang
échange, il nous vend tous. Après tout, une bande d’horribles Barbares et de simples soldats ne pèsent pas lourd comparés à la dignité d’un citoyen de haute naissance comme Acilius Glabrio.
— Non, tu te trompes.
Mamurra semblait avoir renoncé à sa circonspection habituelle. Il tourna sa grosse figure carrée vers Ballista.
— Ce n’est pas qu’Acilius Glabrio ne vous aime pas, il vous hait. Chaque ordre que vous lui donnez est une blessure pour lui. Il veut vous voir mort. Mais il veut d’abord que vous soyez humilié. Je suis d’accord avec Maximus : il pourrait avoir organisé l’incendie ; mais pas aller trouver les Perses. À quoi servirait d’être un Acilius Glabrio hors de Rome ? Il pourrait vouloir paralyser les défenses de la ville que vous avez mises en place. Puis, une fois qu’il serait clair pour tout le monde que vous n’êtes qu’un Barbare stupide et maladroit – sauf votre respect, Dominus – il n’aurait plus qu’à intervenir pour sauver la mise.
— C’est possible, dit Ballista. Mais il doit bien y avoir quarante mille autres traîtres potentiels – toute la population de cette ville. Inutile de nous voiler la face, ils n’ont guère de raisons de nous porter dans leur cœur.
— Si le traître est un habitant de la ville, il nous faut chercher parmi les riches, dit Mamurra. On a mis le feu avec du naphte. Cela coûte cher. Seuls les riches habitants d’Arété pourraient se permettre de s’en procurer. Ce qui veut dire que le traître siège à la boulé, au conseil.
Ballista hocha doucement la tête. Il n’avait pas pensé à cela, mais c’était vrai.
— Et qui, parmi les conseillers, a plus de poids que les protecteurs de caravanes ? interrompit Maximus. Tous les trois sont liés aux Sassanides. Et tous les trois sont chargés de défendre les murs. Nous sommes tous foutus, complètement foutus !
La blonde s’approcha, apportant de nouvelles coupes de vin. Son sourire se figea encore plus lorsque Maximus la fit s’asseoir sur ses genoux.
— Donc, dit Ballista en s’adressant à Mamurra, un officier véreux ou un conseiller à la solde de l’ennemi – nous n’en savons pas plus.
— Mais nous savons que cela vient à peine de commencer, ajouta Mamurra.
— Et à la place du traître, que ferais-tu maintenant ?
La question de Ballista resta en suspens pendant que Mamurra réfléchissait. La fille eut un petit rire. Avec facilité, le résultat d’une longue pratique, elle écarta les cuisses pour laisser passer la main de Maximus.
— J’empoisonnerais les citernes, finit par répondre Mamurra.
Il y eut un long silence. La fille ricana à nouveau.
— J’empoisonnerais les vivres… Je saboterais l’artillerie. Je trouverais le moyen de communiquer avec les Sassanides puis, par une nuit sans lune, j’ouvrirais une porte ou jetterais une corde par-dessus une portion de muraille non gardée.
La fille poussa un soupir de contentement.
— Oh ! et il y a une chose que je ferais aussi.
— Quoi donc ? dit Ballista.
— Je vous tuerais.
OBSESSIO
(Printemps-automne 256)
XII
— Méfie-toi des ides de mars.
Le telones secoua la tête tristement tandis qu’il regardait passer les cavaliers.
— « Calpurnia [67] se retourna dans son sommeil et murmura… méfie-toi des ides de mars ».
Après que le dernier cavalier fut passé sous la grande arche de la porte de l’ouest, dans un cliquetis de sabots et de harnais, il y eut un silence insolite.
— Qu’est-ce que tu racontes encore ?
Le boukolos avait souvent l’air contrarié lorsqu’il était confronté à des choses qui dépassaient son entendement limité.
— C’est de la poésie, voilà ce que c’est. Le vieux centurion, celui qui était toujours soûl, il avait toujours ça à la bouche… Tu vois qui je veux dire ? Les Sassanides l’ont attrapé quelque part en aval du fleuve, lui ont coupé les couilles et la bite et lui ont enfoncé le tout dans la gorge. (Le telones secoua la tête à nouveau.) Pauvre bougre. Quoi qu’il en soit, les ides de mars tombent aujourd’hui. C’est le jour où Jules César a été assassiné par quelques-uns de ses amis. Ce n’est pas le bon jour pour entreprendre quelque chose, pas ce qu’on peut appeler un jour de bon augure.
Non loin de la porte de la Palmyrène, Ballista avait arrêté sa troupe de cavaliers pour l’organiser en vue du périple. Deux equites singulares furent envoyés en
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