L'Orient à feu et à sang
yeux fixés non sur le cavalier, mais au-delà, guettant ce qui pourrait apparaître derrière lui. Les cinq equites singularum qui fermaient la marche se déployèrent pour former une ligne. Derrière eux, les serviteurs attendaient calmement à côté des bêtes de somme. Scribes et messagers conféraient entre eux, parlant vite. Ils semblaient tous effrayés, à part le scribe à l’accent espagnol qui attendait aussi impassiblement que les soldats.
Rien n’était apparu à l’horizon lorsque le cavalier arrêta son cheval devant Ballista.
— Dominus , cavalerie légère sassanide, des archers – cinquante ou soixante – à environ trois milles.
— Dans quelle direction vont-ils ?
— Ils venaient de l’ouest, du haut des collines vers le fleuve.
— Est-ce qu’ils t’ont vu ?
— Oui.
— T’ont-ils poursuivi ?
— Pas immédiatement. Ils ont attendu que leur groupe de tête atteigne le fleuve, puis ont commencé à me suivre, mais au pas.
— Leur groupe de tête ?
— Oui, Dominus. Ils étaient divisés en cinq groupes déployés sur une distance de trois ou quatre milles entre les collines et le fleuve.
— Avaient-ils vu le reste de notre colonne ?
— Je ne le pense pas, Dominus.
« Père-de-Tout, cela n’augure rien de bon », pensa Ballista. Tout le monde le regardait et attendait. Il essaya d’en faire abstraction et de réfléchir calmement. Il observa les alentours : toujours rien.
L’homme en pointe sur la gauche, à l’est, n’était qu’à deux ou trois cents pas ; devant lui, les rochers escarpés bordant le fleuve. À l’ouest, le second homme de pointe se trouvait à environ quatre cents pas. Droit devant au sud, aucun des éclaireurs n’était en vue, mais, à quelque milles de distance, le vent qui avait fraîchi poussait vers eux une large colonne de poussière.
— Romulus, où sommes-nous exactement ?
— À un peu moins de vingt milles d’Arété, Dominus, et à un peu plus de vingt-cinq de Castellum Arabum. Le caravansérail désaffecté se trouve à environ trois milles devant nous.
— Y a-t-il un refuge dans les collines à l’ouest – un fort ou un hameau, habité ou non ?
— Seulement le village de Merrha, au nord-ouest. Il est habité et fortifié, mais les Sassanides sont sur notre chemin.
Le visage de Romulus s’éclaira.
— Mais nous pouvons aller au caravansérail désaffecté. Ses murs tiennent encore et nous y serons bien avant que les Perses nous rattrapent.
— Oui, c’est tentant. Mais je pense que c’est probablement la dernière chose à faire.
Ballista fit signe aux hommes à sa droite et à sa gauche d’approcher.
— Romulus, lequel des equites singulares possède la meilleure monture ?
Avant que le porte-étendard pût répondre, l’un des hommes intervint.
— Aucun doute là-dessus, c’est moi, Dominus.
Il souriait. Demetrius murmura à l’oreille de Ballista :
— Antigonus.
— Bon, Antigonus, je veux que tu ramènes les deux éclaireurs de devant. Retrouvez-nous à la dernière palmeraie que nous avons passée, au bord du fleuve. Nous vous y attendrons. Si nous n’y sommes pas, vous devrez tous les trois rejoindre Arété ou Castellum Arabum. Faites au mieux pour y parvenir. Il n’y a pas un moment à perdre. Je t’expliquerai tout à ton retour. Fais attention à toi.
Tandis qu’Antigonus partait vers le sud au galop, la colonne rebroussa chemin vers le nord, au galop elle aussi. Une fois qu’ils eurent atteint le couvert des arbres, Ballista donna ses ordres, sa voix guère plus haute qu’un murmure rauque, afin qu’ils adoptassent une autre formation. Ils devaient former un triangle. Ballista en serait la pointe, Maximus se tiendrait tout près à sa droite et, à une demi-longueur derrière lui, trois equites singulares se déploieraient. Romulus et les quatre autres equites singulares composeraient l’aile gauche de la formation. Demetrius et le scribe espagnol devraient chevaucher juste derrière Ballista, suivis par le reste de la suite et par les serviteurs menant les chevaux de somme.
Ballista expliqua à voix basse et calmement, du moins l’espérait-il, ce qu’il avait en tête. Rien de plus simple : ils devaient se frayer un chemin au travers du groupe de Sassanides le plus proche du fleuve. Avec un peu de chance, les Perses seraient pris par surprise lorsqu’ils chargeraient depuis le couvert des palmiers dattiers. Et si la chance leur souriait
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