L'Orient à feu et à sang
des défenses d’Arété. Le soleil filtré par les palmes dessinait sous ses paupières des motifs chatoyants. Le vent du sud se levait, il l’entendait bruire dans les tamarins. Pourtant, même dans ce cadre idyllique, son esprit ne le laissait pas en paix. La garnison de Castellum Arabum s’élevait à vingt hommes. Pas assez pour organiser une défense et plus qu’il n’en fallait pour un avant-poste de surveillance. Il avait hérité de cet arrangement du précédent Dux Ripæ. Il n’avait pas trouvé le temps d’inspecter Castellum Arabum et il était peut-être trop tard maintenant pour commencer à changer les choses.
Ballista s’assit et regarda ses hommes autour de lui. Ils devraient se mettre en route. Il fut une nouvelle fois frappé par la facilité avec laquelle on se mettait à adopter les manières de faire des autres. Vingt-trois hommes et vingt-huit chevaux, juste pour l’amener inspecter un petit fort situé à moins de cinquante milles. Comme la garnison de Castellum Arabum, la colonne n’avait pas la bonne taille. Trop petite pour combattre une troupe de Sassanides déterminés et trop grande pour se déplacer rapidement. L’effectif de sa suite avait grossi pour s’adapter aux critères romains. Un Dux en déplacement avait besoin de scribes, de messagers, de gardes. Une chance qu’on ne lui eût pas imposé la présence d’un masseur, d’un pâtissier et d’un philosophe grec chevelu par-dessus le marché. Ballista pensait qu’il aurait dû se rendre à Castellum Arabum accompagné uniquement de Maximus et Demetrius. Leur vitesse de déplacement leur aurait évité tout ennui. Seul un bédouin insensé se risquerait à dévaliser Maximus.
Les chevaux à l’attache avait mangé leur foin et dormaient ou bien cherchaient sans grande conviction quelque chose à brouter. Le soleil était brûlant, mais à l’ombre, il faisait encore frais. Les hommes sommeillaient ou parlaient à voix basse ; ils avaient tout le temps du monde. Ballista se rallongea sur le dos et ferma les yeux. Un caprice enfantin le prit soudain : pourquoi ne pas seller Cheval Pâle, s’esquiver et partir vers l’ouest tout seul en laissant derrière lui pour toujours l’agitation grouillante d’Arété ? Mais il sut tout de suite que c’était impossible. Qu’adviendrait-il de Maximus, Demetrius et Calgacus ? Et puis la grande question : où irait-il ? Se prélasser dans ses jardins inondés de soleil sur la colline de Tauromenium ou boire au coin du feu dans le manoir aux hauts murs de son père ?
Finalement, ce fut Romulus qui les tira de leur torpeur, soulignant sur un ton de reproche qu’il était désormais trop tard pour atteindre avant la nuit le caravansérail en ruine, situé à mi-chemin. Ballista dit que cela n’avait pas d’importance. Maximus répétait à qui voulait l’entendre qu’à une chose, malheur était bon : l’endroit regorgeait probablement de serpents et il serait plus sûr, bien plus sûr de dormir à la belle étoile.
L’après-midi était en tout point semblable à la matinée : le fleuve sur la gauche, la vaste étendue déserte de terre et de ciel, la large route le long du plateau se déroulant toujours vers le sud. Comme au matin, ils la suivaient parfois au bas des ravins, les sabots des chevaux faisant rouler devant eux des pluies de pierres ; elle remontait parfois tout de suite ou cheminait paresseusement au bord du fleuve, le long de la plaine inondable, à travers les tamarins et les palmiers dattiers avant de pouvoir regagner le plateau.
Le soleil d’hiver était bas, projetant sur leur gauche des ombres étirées qui transformaient chevaux et cavaliers en étranges créatures distendues, lorsque quelque chose vint troubler la monotonie du voyage. Maximus se pencha, toucha le genou de Ballista et indiqua de la tête la direction d’où ils étaient venus. Ballista tourna bride et arrêta sa monture sur le côté. Le cavalier de l’arrière-garde était en vue. Il était encore à bonne distance, mais se rapprochait d’eux rapidement. Il ne galopait pas ventre à terre, mais maintenait un rythme soutenu. Le vent du sud emportait derrière lui la poussière soulevée par son cheval. La colonne s’immobilisa. Se rendant compte qu’on l’observait, le cavalier prit dans sa main droite le bas de sa cape et l’agita en l’air, le signal convenu pour avertir que l’ennemi était en vue.
Il était encore assez loin. Ils attendirent, les
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