L'Orient à feu et à sang
calendes, nones et ides, lorsque les intérêts de leurs dettes seraient dus ; et les superstitieux craignaient les « jours noirs » qui suivaient.
Pourtant, cet hiver à Arété était anormal à bien des égards. De jour, la ville ressemblait plus à un camp retranché. Sous l’œil vigilant de Mamurra, les défenses commençaient à prendre forme. Des équipes de terrassiers enrôlés de force abattaient les majestueuses sépultures de la nécropole et des attelages de bœufs et d’ânes en transportaient les débris en ville. D’autres terrassiers entassaient les gravats contre l’intérieur et l’extérieur de la muraille ouest, façonnant lentement deux énormes talus – le glacis et le contre-glacis. Une fois tapissés de roseaux et recouverts de brique, on espérait que ces talus pourraient protéger les murs de tout ce que les Sassanides pourraient lancer contre eux. Au fur et à mesure que l’on rasait la nécropole, d’autres équipes de travailleurs commençaient à creuser le large fossé qui devait gêner les approches de la muraille.
Intra-muros, la ville bruissait aussi d’une activité fébrile. Les forgerons fondaient les socs de charrue pour en faire des épées, des pointes de flèches ou de javelots. Les charpentiers assemblaient l’osier et le bois pour fabriquer des boucliers. Les fléchiers travaillaient sans relâche pour produire les innombrables flèches et traits d’artillerie exigés par l’armée.
Dans chaque foyer, taverne ou bordel – du moins lorsqu’aucun soldat romain n’était à portée d’oreilles – on discutait de cet hiver inhabituel. D’un côté, on condamnait sans appel ce grand bâtard de Barbare : maisons détruites, tombes et temples profanés, esclaves libérés, hommes libres réduits en esclavage, libertés individuelles abolies, pudeur des épouses et des filles compromise. De l’autre, on s’accordait à dire que tous les espoirs reposaient sur le Dux : tous ces sacrifices serviraient peut-être à quelque chose, après tout. Partout, les discussions allaient bon train, depuis les ruelles et les allées boueuses menant au petit sanctuaire de la Tyché d’Arété derrière la porte de la Palmyrène, jusqu’aux échoppes puantes au bord du fleuve. Les citoyens d’Arété étaient à la fois indignés et effrayés. Ils étaient aussi fatigués. Le Dux leur menait la vie dure.
Les soldats non plus n’étaient pas épargnés. Le jour du nouvel an, Ballista avait dévoilé ses dispositions pour la défense de la ville. Personne, pas même Acilius Glabrio, n’avait ri. Il avait concentré ses ressources en hommes sur la muraille ouest, face au désert. Là, les remparts seraient défendus par pas moins de huit centuries sur les douze que comptait la Legio IIII Scythica et par la totalité des six centuries de la Cohors XX Palmyrenorum. Chaque section de remparts entre deux tours serait couverte par une centurie de légionnaires et une autre d’auxiliaires. Une centurie supplémentaire de la Legio IIII Scythica serait basée à la porte principale. À l’extrême nord de la muraille, une seule centurie de la Cohors XX serait disponible pour garder les quatre dernières tours, mais à cet endroit, le ravin nord s’arrondissait, constituant une défense additionnelle et les tours étaient plus rapprochées.
Les autres murs étaient loin d’être aussi bien défendus. Le mur nord en face du ravin n’était tenu que par une centurie de la Legio IIII Scythica et deux turmes de cavaliers à pied de la Cohors XX. Le mur est, en face du fleuve, serait gardé par le numerus de troupes irrégulières d’Anamu, avec une centurie de la Legio IIII Scythica veillant sur la Porta Aquaria, les tunnels et les deux portes au bord du fleuve. Enfin, la garnison du mur sud, au-dessus du ravin, serait constituée par les numeri de Iarhai et Ogelos, avec une unique turme de cavaliers à pied de la Cohors XX gardant la porte à poterne.
La vraie faiblesse du plan résidait dans la rareté des troupes de réserves – seulement deux centuries de la Legio IIII Scythica, l’une basée autour du campus martius, l’autre dans le grand caravansérail, et deux turmes de la Cohors XX, l’une gardant les greniers et l’autre le nouveau magasin d’artillerie. Compte tenu du niveau des effectifs, cela équivalait à tout juste cent quarante légionnaires et soixante-douze auxiliaires.
Pourtant, le plan fut approuvé après mûre réflexion. On s’accorda à
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