L'Orient à feu et à sang
droite. L’homme réussit à parer avec son bouclier. Ballista arracha sa lame du bois fendu et asséna au Perse de gauche un coup de taille horizontal au-dessus des oreilles de Cheval Pâle. Cette fois-ci, il sentit qu’il avait fait mouche. Il n’y avait plus d’ennemi devant lui.
La force de l’impact propulsa la tête de Ballista vers l’avant. Son nez s’écrasa sur le cou de Cheval Pâle et du sang en jaillit ; il était cassé. Il sentait aussi du sang ruisseler sur sa nuque. Il se tourna instinctivement vers la droite, la spatha levée pour parer le prochain coup, le coup qui devait l’achever.
Le Sassanide était là, sabre levé. Le salaud souriait – puis il baissa les yeux, se tenant le flanc, regardant, incrédule, la blessure que lui avait infligée le coup d’épée.
Ballista remercia l’Espagnol d’un signe de la main et talonna à nouveau sa monture. L’Espagnol lui sourit en retour et brandit son épée pour le coup de grâce, puis la surprise se peignit sur son visage tandis que son cheval se dérobait sous lui. Il resta comme suspendu, l’espace d’un instant, avant de tomber sur la masse gesticulante de son propre cheval et d’être piétiné par les montures des Romains et des Sassanides qui galopaient derrière lui.
Il y aurait le temps plus tard de s’apitoyer ou de culpabiliser. Ballista n’aurait pas pu arrêter Cheval Pâle de toute façon. Ils se ruèrent à l’assaut du versant escarpé de l’oued. Lorsqu’ils émergèrent sur le plateau, il faisait beaucoup plus clair. Là-haut, le soleil n’avait pas tout à fait disparu. Sans regarder derrière lui pour voir qui l’accompagnait encore, Ballista poussa son cheval à un galop d’enfer. Il s’écarta de la route et se dirigea vers le nord-ouest. Il fallait absolument qu’ils contournent le prochain ravin.
Ballista regarda par-dessus son épaule gauche et aperçut l’autre groupe de Perses, une vingtaine de cavaliers. Ils avaient dévié de leur chemin et allaient bon train pour couper la route de Ballista et de ses hommes. Leurs ombres étirées tremblotaient sur la plaine. Les autres groupes de Perses avaient aussi infléchi leur route, mais ne pourraient pas atteindre le ravin à temps ; inutile de s’en soucier pour le moment.
Ballista entendit Maximus crier quelque chose. Il l’ignora ; il avait besoin de réfléchir. Malgré la douleur lancinante à sa tête, il avait l’esprit clair. Il calculait les distances et les angles. Il se figurait tout, comme s’il contemplait la scène de très haut : le point fixe représentant le haut du ravin, les deux troupes de cavaliers qui convergeaient vers lui. Il se pencha en avant, exhortant Cheval Pâle à fournir ce petit effort supplémentaire, à accélérer encore l’allure.
Ballista et ses hommes arrivèrent avec juste un peu d’avance. Lorsqu’ils contournèrent l’entrée du ravin, les Perses étaient encore à cinquante pas derrière eux. Ils poussèrent leurs montures un peu plus, mais les poursuivants semblaient avoir relâché leurs efforts. Leur avance s’accrut pour atteindre rapidement deux cents pas. Ballista ralentit l’allure. C’était le crépuscule. Il lui restait quelque chose à faire, il ne le voulait pas, mais il le fallait. Il se retourna pour voir qui manquait à l’appel.
Maximus était là, Demetrius aussi, puis Romulus, quatre equites singulares , un scribe, deux messagers et trois serviteurs méritants, menant toujours leurs chevaux de somme. L’addition aurait pu être plus lourde – trois soldats, le scribe espagnol et deux serviteurs – mais elle pouvait s’alourdir encore beaucoup plus.
La lune était haute mais le fort vent du sud la voilait de nuages effrangés.
— Ça va ? Tu m’as l’air en piteux état, lui cria Maximus.
— Je ne me suis jamais senti mieux, répondit Ballista d’un ton acide. Comme un esclave à une saturnale.
— Vous pensez qu’ils vont abandonner ? demanda Demetrius tout en essayant, sans y parvenir, de ne pas laisser transparaître son angoisse.
— Non.
La réponse sans appel de Maximus fusa et anéantit ses illusions.
— Ils veulent nous avoir à l’endurance et nous rattraper pendant la nuit.
Tandis que l’Hibernien parlait, une série de lumières clignotantes éparpillées entre le fleuve et les collines apparut.
— Avons-nous toujours une lanterne ?
S’étant entendu répondre par l’un des serviteurs qu’ils en avaient encore deux, Ballista
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