L'Orient à feu et à sang
d’épouvante, essayant de cacher sa nudité derrière un drap. Turpio sourit avant de se rendre compte que cela n’allait probablement pas la rassurer.
« Tyché » ! S’il était arrivé quelques instants avant, tout aurait été différent. Il vit un bracelet d’or sur le lit. Il le ramassa machinalement et le passa à son poignet. « Tyché ».
Ses réflexions furent brusquement interrompues par l’irruption d’un légionnaire dans la pièce.
— Les bâtards sont à nos trousses, Dominus.
Au dehors, des clibanarii sassanides à pied s’étaient regroupés. Ils avançaient par la droite. Un noble de haute taille les haranguait.
— Fermez les rangs.
Dès qu’il sentit les légionnaires autour de lui, Turpio inspira profondément et commença à les exhorter.
— Êtes-vous prêts à combattre ?
— Prêts !
— Êtes-vous prêts à combattre ?
À la troisième réponse, les légionnaires se lancèrent à l’assaut sans hésitation. Turpio perçut comme un frémissement dans les rangs ennemis. Certains clibanarii faisaient un pas de côté pour se rapprocher de la protection offerte par le bouclier de leur voisin de droite, d’autres reculaient.
« Excellent », pensa Turpio. « L’impulsion contre la cohésion, la vieille équation de la bataille. Nous avons l’impulsion et ils viennent de renoncer à leur cohésion. Que les dieux en soient remerciés. »
Abaissant son épaule derrière son bouclier, Turpio se jeta contre l’un des adversaires. Le Sassanide vacilla et recula, déséquilibrant l’homme qui était derrière lui. Turpio abattit sa spatha sur le casque du premier soldat. Il ne se brisa pas, mais se creusa sous l’impact et l’homme s’écroula. Le deuxième céda du terrain. Turpio se jeta en avant et il recula encore.
— Maintenez la position. Reformez la ligne. Faites face et reculez. Pas à pas. Pas de précipitation, pas de panique.
Les Sassanides ne bougeaient pas. L’écart entre les combattants augmentait. Bientôt, les légionnaires se retrouvèrent devant l’endroit où ils étaient entrés dans la tente du roi. Turpio donna l’ordre au buccinateur de sonner la retraite.
— Bon, les gars, à mon ordre, on fait demi-tour et on sort d’ici à toute vitesse.
Sortir du camp sassanide s’avéra plus difficile que d’y entrer. Il n’y avait pas de poursuivants organisés, pas de résistance systématique, le camp était sens dessus dessous mais, cette fois, les Perses étaient réveillés. Par trois fois, de petits groupes de guerriers sassanides, vingt ou trente hommes, leur barrèrent la route et les affrontèrent. À chaque fois, les Romains durent s’arrêter, se remettre en formation, charger et combattre durement pendant un moment avant de pouvoir reprendre la fuite. Turpio dut une fois donner l’ordre de faire halte car il craignait qu’ils ne se fussent perdus. Il demanda qu’on le hissât sur un bouclier. Lorsqu’il put voir dans quelle direction se trouvaient les murs d’Arété, ils reprirent leur fuite effrénée. Sans relâche, ils arpentaient les allées formées par des milliers de tentes très rapprochées. Parfois, ils tournaient à droite ou à gauche ; la plupart du temps, ils fonçaient droit devant eux. Les projectiles lancés par les soldats et leurs poursuivants sifflaient dans les ténèbres. De temps à autre, un homme tombait. Turpio faisait mine d’ignorer la spatha romaine lorsqu’elle s’abattait sur ceux qui étaient trop grièvement blessés pour continuer. La Legio IIII Scythica ne laissait pas les siens être torturés par l’ennemi.
Bientôt, il n’y eut plus de tente devant eux. La route d’Arété s’étirait sur la gauche, et là, à une centaine de pas, brillait le feu de camp derrière lequel leurs compagnons d’armes attendaient, la centurie d’Antoninus Prior épaulée par la turme d’Apollonius. Turpio et ses hommes parcoururent la distance en un éclair.
La voix rauque d’avoir tant crié, Turpio aboya ses ordres. Les membres du commando, la centurie d’Antoninus Posterior, devaient continuer sans attendre, rester ensemble, mais regagner à toute vitesse la porte de la Palmyrène. Ils en avaient assez fait pour cette nuit. Turpio se joignit à l’autre centurie. En un instant, il transmit ses ordres à Antoninus Prior et les légionnaires rompirent la formation en tortue pour se redéployer en rang par dix et en colonne par sept. Puis, ils coururent se mettre en sûreté,
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