L'Orient à feu et à sang
échelles à l’intérieur. Des hommes hurlèrent. Ballista sentit une odeur de cochon grillé.
— Bal-lis-ta, Bal-lis-ta ! scandait-on depuis les murs. Bal-lis-ta ! Bal-lis-ta !
Mais d’autres épreuves attendaient la ville d’Arété ce jour-là. La vue de leur tour et de leurs hommes en feu semblait avoir aiguillonné les Sassanides. Les buccins sonnèrent, les tambours tonnèrent. Des nobles hurlaient leurs ordres.
— Pe-roz ! Pe-roz ! Vic-toire ! Vic-toire !
Un chant guerrier s’éleva du désert.
— Pe-roz ! Pe-roz !
Telle une énorme vague roulant vers le rivage, les Perses sortirent de derrière la ligne de mantelets et se ruèrent vers la muraille. Les troupes d’assaut étaient fortes de plusieurs milliers d’hommes, tous revêtus d’une armure. Les chevaliers sassanides, les clibanarii , avaient mis pied à terre. Ces guerriers nobles portaient eux-mêmes leurs échelles.
La vague humaine n’avait que cinquante pas à franchir, cinquante très longs pas. Dès le premier, des hommes tombèrent, heurtés de plein fouet par le trait d’un scorpion, atteints par une flèche qui les pliait en deux, se tenant un pied lacéré par une chausse-trape, hurlant lamentablement, tandis que le pieux dissimulé dans une fosse s’enfonçait dans leurs chairs et raclait leurs os. Ils tombaient par centaines en parcourant à découvert ces quelques pas qui les séparaient des murs, en descendant dans le fossé, et en remontant. Les Sassanides laissèrent derrière eux un sillage de morts et de mourants, mais atteignirent le talus au pied de la muraille, y appuyèrent leurs échelles et commencèrent à grimper.
Dès lors, tous les instruments, simples mais vicieux, perfectionnés par la cruauté et la méchanceté humaine au cours des générations se déchaînèrent contre eux. Tandis que les échelles s’abattaient contre les murs, des assiégés surgissaient, fourche en main. Ils coinçaient les montants de l’échelle entre les dents de leurs fourches et les poussaient sur le côté. Malgré les flèches sifflant à leurs oreilles, d’autres soldats se joignaient à eux, poussant, poussant toujours plus fort. Lorsqu’un d’eux tombait, il était immédiatement remplacé. Les échelles dont la base n’était pas stable glissaient sur le côté, libérant leurs grappes d’assaillants dont certains percutaient parfois les échelles voisines. Les guerriers sassanides chutaient cul par-dessus tête et s’écrasaient lourdement par terre.
De gros rochers, que trois ou quatre hommes suffisaient à peine à porter, furent soulevés sur le bord du parapet. Ils y restaient en équilibre, l’espace d’un instant, avant de basculer, balayant les guerriers sur les échelles, brisant les barreaux, séparant les montants.
Les flèches des trois nouvelles grues géantes de Ballista s’élevaient au-dessus des remparts. Des leviers furent tirés et les boulets de démolition commencèrent leur ronde infernale. Lorsqu’ils frappaient, les échelles se transformaient en petit bois et les hommes en bouillie sanglante en un clin d’œil.
Tout le long de la muraille, on s’activait fiévreusement. Des équipes de quatre légionnaires passaient de longues barres de métal soigneusement enveloppées dans les anses des gros chaudrons au-dessus des feux. Promptement, mais précautionneusement, ils soulevaient les récipients presque incandescents, crépitants et grésillants et les posaient délicatement sur le bord. Grognant sous l’effort, ils hissaient les barres sur leurs épaules, puis, tâche ô combien dangereuse ! ils renversaient avec soin le contenu des chaudrons par-dessus le parapet.
Les hommes hurlaient. Le sable chauffé à blanc coulait le long de la muraille jusqu’au talus. Il enflammait cheveux et vêtements. Les grains minuscules pénétraient dans les armures, dans les ouvertures des casques, brûlaient et aveuglaient. Les hommes couraient en hurlant, arrachant leurs armures qui, tout à coup, les trahissaient en retenant contre leur peau le sable atrocement brûlant. Ils se roulaient par terre, oubliant les flèches des assiégés qui continuaient à pleuvoir sur eux.
Le carnage au pied des murs était monstrueux, pourtant toutes les échelles des Sassanides n’étaient pas tombées ou n’avaient pas été brisées. Des guerriers gaiement vêtus, surcot de soie et banderoles flottant autour de leurs armures d’acier, continuaient à y monter. Ils ne chantaient plus
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